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qu’elle lui vaudra le bénéfice des circonstances atténuantes dans le verdict de l’histoire. Le 5 novembre 1863, lors de l’ouverture de la session parlementaire, dans le discours qu’il prononça devant le Sénat et le Corps législatif assemblés, il demanda à tous les États d’Europe d’envoyer des plénipotentiaires à un congrès qui réglerait pacifiquement les questions dangereuses dont on était agité. Les souverains acceptèrent l’invitation de la France et l’on put espérer que pendant de longues années la paix régnerait parmi les nations ; mais l’Angleterre, blessée de la récente annexion de Nice et de la Savoie, refusa son consentement. Dès lors, le projet de congrès dut être abandonné et chacun se réserva pour le hasard des armes.

La France n’en fit pas moins un acte considérable, lorsqu’elle proposa en quelque sorte la création d’un conseil amphictyonique, qui eût jugé les différends et apaisé préventivement la guerre. En faisant avorter cette combinaison chevaleresque, l’Angleterre fut égoïste et abusa de sa situation géographique. Son refus eut de graves conséquences, car il en sortit la guerre de Bohême (1866) et la guerre franco-allemande (1870-1871).

Pendant cette même année, — 1862, — une faute de portée incalculable fut commise par le prince Napoléon, faute politique, faute internationale, qu’il était facile et qu’il eût été sage d’éviter. Quelques Polonais, de la petite noblesse du royaume de Varsovie, s’étaient soulevés contre la domination russe ; les paysans avaient emmanché leurs faux ; quelques Italiens, — Cairoli, — quelques Français — Rochebrune — étaient venus les rejoindre ; il y eut des escarmouches, des alertes, des marches et des contremarches ; en somme, rien de sérieux. L’Angleterre était sympathique à l’insurrection et lui envoyait de la poudre ; la France laissait acheter des fusils et des selles ; l’Autriche se montrait secrètement favorable ; la Galicie semblait lieu de refuge, de concentration et de ravitaillement.

Le prince Napoléon, emporté par son esprit frondeur, oublia qu’il était prince du sang, que sa parole aurait de l’écho dans chacune des chancelleries d’Europe et qu’à lui, plus qu’à tout autre, il était interdit de découvrir, sinon d’engager l’Empereur, auquel il touchait par des liens de proche parenté. Du haut de la tribune du Sénat, il prit parti pour la Pologne contre la Russie, pour cette même Pologne