borait avec lui et quelques autres. Le 3 septembre 1872, elle a épousé un homme beaucoup plus jeune qu’elle, Pierre-Maurice Rouvier, que les élections de 1871 ont envoyé à l’Assemblée nationale, afin de représenter le radicalisme de Marseille[1].
Cependant, les prédicateurs des deux sexes ne restèrent pas toujours dans la théorie ; ils jugèrent qu’il était temps de passer à la pratique et cela nous valut l’insurrection de Juin, qui nous parut formidable alors, et que nous avons trouvée enfantine, après avoir subi la Commune de 1871. Cette fois je n’hésitai pas entre les réacs et les démocs-socs ; je me jetai résolument au premier rang des premiers, et les seconds me mirent au lit pour deux mois avec une jambe fracassée par une balle. On put croire alors que, débarrassée de ses adversaires les plus énergiques et de ses serviteurs ignorants, la République réussirait à se fonder en France. Le général Cavaignac, après avoir renoncé à la dictature que les événements lui avaient imposée, était chef du pouvoir exécutif. Il rassurait à la fois tous les intérêts et semblait destiné à dissiper la méfiance que les nouvelles institutions inspiraient au pays. J’ai tracé jadis un portrait de lui que je reproduis, car le temps n’a pas modifié l’opinion que j’exprimais en 1876 :
« Dans nos jours indécis et troublés, où tant de médiocres personnages ont posé devant nous, la figure de Cavaignac se détache, isolée, sereine, impeccable, sur le piédestal de l’histoire, comme une statue de marbre antique au milieu de moulages informes. Je l’ai connu, longtemps après son passage au pouvoir, et j’avais conçu pour lui un sentiment d’affectueuse vénération que rien n’a jamais démenti. Son intelligence, plus élevée qu’étendue, dédaignait les petits compromis de la politique des ambitieux et regardait vers un objectif très haut placé. Il répétait souvent un adage qui le peint : « Pour savoir commander, il faut apprendre à obéir. » En effet, il eut pour la légalité un respect religieux ; cela seul lui crée une situation exceptionnelle dans les annales de la France moderne. Le 26 juin 1848, après la défaite de l’insurrection qu’il avait vaincue, il était le maître ; la nation, qui proclamait en lui son sauveur, l’aurait suivi sans hésiter. Il exerça le pouvoir, dans des temps difficiles,
- ↑ Rouvier est actuellement (août 1887) président du Conseil des ministres.