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THÉOPHILE GAUTIER.

tueux d’un si considérable labeur qui s’est étendu sans difficulté sur des sujets dont la diversité est prodigieuse et qu’il a traités toujours avec originalité, souvent avec la supériorité d’un maître.

Dans le renouveau littéraire dont Chateaubriand fut le précurseur, Théophile Gautier marche au premier rang, brandissant sa bonne plume de Tolède, comme l’on disait au temps des batailles romantiques, ne cédant le pas à personne, se jetant au plus fort de la mêlée, faisant face de toutes parts et redoublant d’audace sous les invectives dont la nouvelle école était l’objet. Il est resté fidèle aux croyances de sa jeunesse ; dans les dernières années de sa vie, années lourdes et parfois pénibles, son cœur battait plus vite et son teint s’animait lorsqu’il parlait de la première représentation de Hernani et des horions échangés pendant que Ligier-Triboulet débitait les tirades du Roi s’amuse. Sa foi, j’entends sa foi littéraire, était si profonde et si vivace, que le long exercice du « métier » ne l’a point affaiblie. Il fut fervent jusqu’à l’heure suprême, et si, avant de fermer les yeux pour jamais, il s’est tourné vers le monument que les écrivains de sa génération, poètes et prosateurs, ont édifié à la renaissance de l’art, il a dû être rassuré sur l’avenir de son nom, en constatant qu’il l’a inscrit sur une des pierres du couronnement.

Pour la postérité, la pyramide s’élève d’elle-même. Les oubliés forment la base, invisible, presque disparue dans les fondations ; puis les médiocres, les