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LA JEUNESSE.

la ville en tous sens, ne m’est jamais sorti de la tête et m’a souvent attendri aux heures songeuses. » Il avait cinquante-six ans lorsqu’il écrivit les lignes que je viens de citer.

Sa petite cervelle, à la fois contemplative et ardente à savoir, commençait a se défricher, lorsqu’on lui fit quitter la maison paternelle pour le mettre au collège. Grave imprudence ; un enfant qui avait tant souffert d’être éloigné du premier berceau, ne supporterait pas l’exil, hors du foyer où la famille prenait soin de lui, le dorlotait et n’avait que de l’indulgence pour ses fantaisies. Théophile Gautier croit qu’il avait huit ans lorsque les portes de la caserne universitaire se refermèrent sur lui ; à cet égard, sa mémoire est en défaut ; il était dans le courant de sa onzième année, ainsi que le démontre un reçu de l’économe du collège Louis-le-Grand pour le quart du premier trimestre de 1822. Le pauvre écolier resta peu de temps prisonnier, assez cependant pour avoir reçu une impression qui jamais ne s’est effacée. Il eut en aversion la discipline destructive des gaietés de l’enfance, la régularité fastidieuse à force d’être monotone, la vie en commun odieuse aux natures délicates, la camaraderie sans tendresse, la grossièreté des maîtres subalternes, les préaux sans verdure, les longs corridors, les dortoirs où les lits sont trop nombreux, les réfectoires dont l’odeur seule rassasie la faim, les punitions absurdes, les portes closes et l’aspect général qui est bien plus d’une maison de détention que d’une