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THÉOPHILE GAUTIER.

où Sainte-Beuve devait se complaire plus tard, sans aucun de ces sous-entendus, de ces pensées à demi exprimées dont les écrivains, qui font œuvre habituelle de critique, aiment à envelopper et souvent à obscurcir leurs jugements. Pas un instant sa franchise n’est en défaut, il ne trompe personne, ni lui ni les autres ; il est absolument sincère, aussi bien quand il se raille des balourdises du sieur de Virbluneau, que lorsqu’il met en lumière les hautes qualités de Théophile de Viau et qu’à propos de la Pucelle de Chapelain, il s’étonne qu’un tel sujet, si complet et si prodigieux, n’ait produit que des œuvres d’une déplorable infériorité, ou une polissonnerie indigne d’un auteur et d’une langue respectables. « Que de merveilles, dit-il, dans cette vie si courte et si pleine ; on croirait plutôt lire une légende qu’une chronique. Il y a là dedans la matière d’un romancero. Eh bien ! avec un si magnifique sujet, une héroïne véritable qui laisse de bien loin derrière elle la Camille de Virgile, les Bradamante, les Marphise, les Clorinde et toutes les belles guerrières des épopées italiennes. Chapelain n’a pu faire qu’une lourde gazette rimée, ennuyeuse comme la vie ; Voltaire qu’une infâme priapée, abominable comme intention et d’une médiocrité singulière, même dans ce misérable genre. Pauvre Jeanne d’Arc ! Les Anglais t’ont fait brûler seulement et ne t’ont pas violée. » Un mot est à retenir dans le passage que je viens de citer, car il renferme un conseil, un conseil précieux, que feront bien de méditer les futurs