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THÉOPHILE GAUTIER.

le rapport de Théophile Gautier, j’ai cru assister à une revue funèbre ; à l’appel de bien des noms, l’écho répond : mort ! La vieille Mob n’a pas chômé de besogne depuis cette époque ; elle a fait des choix d’élite, elle n’a respecté personne, ni ceux qui avaient la gloire, ni ceux qui n’avaient que l’espérance, personne, pas même le poète qui avait accepté de parler des poètes de son temps. Passons ! sans oublier, sans récuser les regrets, mais passons ! ce n’est pas un de profundis qu’il convient de psalmodier ici.

Pour apprécier le mérite des œuvres qui ont paru pendant quinze ans, nées de tendances diverses et de tempéraments souvent opposés, Théophile Gautier ne fait appel à aucune esthétique, à aucune théorie ; il laisse de côté toute idée préconçue, rejette ce qui serait a priori et reste abstrait, c’est-à-dire dégagé de toute influence d’école ; il est toujours romantique, mais il juge la poésie d’après le poète, s’en pénètre, l’explique et lui assigne son caractère particulier. En un mot, et pour me servir d’une expression de l’argot des coulisses de théâtre, il entre dans la peau du bonhomme. Il fait pour ses contemporains ce qu’il a fait pour ses grotesques, il se garde de les affubler de ses idées et les respecte jusque dans ce qui lui semble des erreurs. Si parfois il pèche un peu par indulgence, c’est en faveur de quelque compagnon de sa jeunesse, d’un combattant des luttes oubliées, auquel il accorde un éloge qui n’est qu’un souvenir du « bon temps ». Sainte-Beuve, dont l’in-