Page:Du Cange - Glossaire françois - 1879 - T1, A-F.djvu/13

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

NOTICE SUR DU CANGE



Lorsque nous visitons les musées nous restons frappés d’étonnement en voyant les armes des anciens chevaliers. Ces lances, ces haches, ces casques, ces cuirasses, que nous pouvons à peine soulever, ont appartenu à une race de géants qui maniait ces armes comme des jouets. Il en est ainsi quand nous entrons dans ces bibliothèques où se trouvent les œuvres de ces savants qui se nomment les Robert et Henri Estienne, les Mabillon, les Monfaucon, les Du Cange, les La Curne de Sainte-Palaye, et bien d’autres érudits des deux derniers siècles. Plus encore que pour les armes, nous éprouvons un vif sentiment d’admiration.

Est-ce de nos jours, qu’on trouverait un Du Cange ? Nous chercherions en vain, nous ne rencontrerions certes pas un homme revêtu d’une fonction publique et ayant encore assez de loisir pour apprendre une foule de langues, produire des œuvres d’une prodigieuse érudition sur l’histoire, la philologie, la géographie, les usages et coutumes du moyen âge, la généalogie des grandes familles, la numismatique, et enfin approfondir les nombreuses questions qui préoccupent les historiens.

Le secret de cette activité merveilleuse se découvre dans la vive intelligence de Du Cange et dans son ardent amour de l’étude.

Pendant toute sa vie, il a travaillé quatorze heures par jour. Qu’il nous soit permis de citer un fait caractéristique, à ce sujet. Le jour même de son mariage, en sortant de la cérémonie nuptiale, il s’enferma pendant six heures dans son cabinet, en tête-à-tête avec ses livres. Il venait leur prouver que sa nouvelle affectionne lui faisait pas oublier ses chères études.

N’avons-nous pas raison de dire que si la race chevaleresque ; qui jouait avec la Durandal et la lance de Roland est éteinte pour toujours, les géants de la science historique n’ont pas, eux aussi, laissé de successeurs, et sont descendus dans la tombe en nous léguant, pour consolation, de gigantesques travaux élevés à la gloire de l’esprit humain.

Etudions, avec respect, la vie de ces infatigables travailleurs, de ces grands remueurs de chartres, de diplômes, de documents de toutes sortes. Leur souvenir mérite notre reconnaissance, puisque