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ces savants ont élevé des monuments qui nous permettent de connaître si complètement le moyen âge.

Au premier rang de ces érudits, nous plaçons Charles du Fresne, sieur de Du Cange, né à Amiens, le 18 décembre 1610, dans cette année où Henri IV tombait sous les coups de Ravaillac. Son père, prévôt royal de Beauquesne, d’un esprit cultivé, voulant que son fils reçût une instruction très étendue. Le jeune Du Cange entra, dès l’âge de neuf ans, au collège des jésuites d’Amiens. Son attention soutenue, son amour de l’étude et la vivacité de son esprit furent bientôt remarqués de ses professeurs, qui s’attachèrent à développer ces précieuses qualités. Aussi, fit-il de rapides progrès, et, en quelques années, il apprit le latin, le grec, le français et plusieurs langues étrangères.

Il acheva ses études dans cet établissement, et alla faire son droit à Orléans. Là comme à Amiens, il attira l’attention et gagna la bienveillance de ses professeurs par son amour du travail et la pénétration de son esprit. On raconte qu’il approfondit plusieurs questions de notre vieux droit coutumier, considérées jusque là comme des problèmes insolubles, par les plus éminents jurisconsultes. Ce n’étaient plus l’intelligence, la capacité, le travail qui se montraient, c’était le génie qui commençait à paraître avec éclat, pour jeter ses vives lueurs sur les usages, les coutumes, les mœurs des premiers siècles de notre monarchie.

Le jeune érudit quitta Orléans et vint à Paris, où il fut reçu avocat au Parlement, le 11 août 1631 Le courant de ses idées l’eut retenu dans la capitale, où il pouvait satisfaire son goût si prononcé pour les recherches studieuses, mais son père désirait le voir revenir près de lui. Sans hésiter, le fils respectueux de la volonté paternelle, abandonne Paris, ses riches bibliothèques et ses précieux dépôts de manuscrits, pour revenir à Amiens.

Dans sa ville natale, Du Cange rencontra de vives sympathies ; une foule de familles nobles mirent à sa disposition des chartriers, des titres et des documents historiques de toute nature. On comprenait déjà que ce jeune homme serait l’honneur de sa province.

Il eut la douleur de perdre son père, mais par respect pour sa mémoire et pour ses dernières volontés, il resta à Amiens, où il sembla se fixer définitivement, en épousant, le 19 juillet 1638, Catherine du Bos, fille d’un trésorier de France de cette ville. Ce jour-là, comme nous l’avons déjà fait remarquer, le nouvel époux consacra six heures à l’étude.