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Sept ans plus tard, en 1645, Du Cange acheta la charge de son beau-père. Voici l’historien, le philologue, le compulseur de vieux titres, le littérateur, car il l’était a un haut degré, devenu financier non pas à l’aide de commis et de fondés de pouvoirs, mais alignant lui-même les chiffres, et en contact avec le public, qu’il charmait par ses manières distinguées et bienveillantes. Pour tout homme qui avait avec lui des rapports, il montrait l’urbanité dont la nature l’avait si heureusement doué.

La peste, qui décima la population d’Amiens, en 1668, le força de quitter cette ville, et il alla s’établir à Paris, où l’appelaient de nombreux amis et les riches collections de documents qu’il avait autrefois quittées avec tant de regrets. Là, il vécut dans l’intimité de M. d’Hérouval,un érudit qui, lui aussi, s’occupait de recherches historiques, mais qui reconnaissait la haute supériorité de son ami et avait accepté le rôle dévoué et modeste de recueillir des documents. Pendant vingt ans, Du Cange travailla avec une ardeur et une persévérance que rien ne ralentit. Dégagé des obligations de la société, qui imposent une si grande perte de temps, il consacrait sa vie entière à l’étude. Ce qu’il produisit dans cette période d’activité intellectuelle paraît prodigieux, et on pourrait croire qu’il se faisait aider par de nombreux secrétaires, si tous ses manuscrits n’étaient écrits de sa main.

Sa robuste constitution résista longtemps à cet excès de travail mais il souffrait d’une strangurie, et, le 23 octobre 1688, il mourut à soixante-dix-huit ans, des suites de cette maladie, qui fait tant de victimes parmi les hommes de lettres.

Le plus remarquable ouvrage de Du Cange est le Glossarium médiæ et infimæ latinitatis. Le célèbre Bayle en parle avec admiration. « Ou est, » dit ce critique, « le savant, parmi les nations « les plus fameuses pour l’assiduité au travail et pour la patience « nécessaire à copier et à faire des extraits, qui n’admire là- « dessus les talents de M. Du Cange et qui ne l’oppose à tout ce « qui peut être venu d’ailleurs en ce genre-là ? Si quelqu’un ne « se rend pas à cette considération générale, on n’a qu’à le « renvoyer ad pœnam libri qu’il feuillette ces dictionnaires, et «  il trouvera, pour peu qu’il soit connaisseur, qu’on n’a pu les « composer sans être un des plus laborieux et des plus patients « hommes du monde. »

Cependant, malgré son rare mérite, Du Cange était l’homme modeste par excellence. On raconte qu’un étranger, animé du même esprit qui, d’un bout de l’Asie à l’autre, avait amené le phi-