Page:Du Deffand - Correspondance complète de Mme Du Deffand avec ses amis, tome 1.djvu/277

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Olivier[1], que vous avez vu en cheveux naissants pendant le grand froid, a repris la perruque ces jours-ci, au grand étonnement de Cereste, qui l’a trouvé fondant en eau. Voilà toutes les nouvelles que je sais. Mes deux berceaux sont finis, et ils feront fort bien ; je les trouve mieux proportionnés que les autres.




LETTRE 15.


MADAME LA MARQUISE DU DEFFAND À M. LE PRESIDENT HÉNAULT.


8 juillet.

J’ai été ce matin à huit heures à la fontaine, j’y ai eu grand froid ; il est vrai qu’il y a deux chambres où l’on fait faire du feu, et j’en ai usé. La compagnie y est terrible ; je n’y trouvai qu’une dame d’Orléans qui m’ait intéressée, parce que sa maladie a quelque rapport avec la mienne. Il y a ici une madame la C. de Tienne qui est invisible ; elle ne fait ni ne reçoit de visites ; elle ne va point à la fontaine, et c’est la seule que je voudrais connaître. Elle a une grosseur ou squirrhe ; je ferai des bassesses pour obtenir une entrevue. Nous donnons aujourd’hui un festin : nous nous y sommes déterminées, pour n’être pas prises en aversion ; nous en donnerons encore un autre, et nous aurons eu tous les habitants de Forges qui ont figure humaine ; après quoi, il n’en sera plus question, et notre prétexte sera que n’ayant point d’heures réglées pour nos repas, et ne mangeant pas même toujours ensemble, nous ne pouvons aller diner dehors ni en donner. Quand madame de Rosambeau sera ici, nous verrons comment, elle s’y prendra, et si l’on pourra faire société avec elle.

La nôtre va bien présentement, et ira toujours de même ; c’est une chose facile de vivre avec des gens qui sont obligés au même régime : à l’égard d’autres convenances, en n’en cherchant pas on en trouve assez, ou bien l’on s’en passe.

Que dites-vous des lettres de Meudon ? Elles me scandalisèrent plus peut-être qu’elles ne le devraient, et j’y fis hier

  1. Olivier (Jean), littérateur français, né en 1723, a Paris, mort le 1er février 1748. On a de lui des épigrammes, des odes, adressées au prince de Conti et à M. de Maupeou, et deux ouvrages intitulés : Essai historique sur le Louvre et La Métempsychose, etc. (L.)