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FANTÔMES BRETONS


Or le vaisseau ayant jeté l’ancre au milieu de la rade, une barque légère s’en détacha, et bientôt le prince Ivor tombait aux pieds d’Igilt surprise et heureuse. Heureuse ! elle devait l’être sans doute, si le bonheur se trouve dans l’accomplissement des désirs plutôt que dans l’espérance qui le promet, plutôt que dans la charité qui le donne aux autres, plutôt que dans la résignation qui se courbe sous la divine volonté…

Trois jours se passèrent, pendant lesquels Ivor revint chaque soir sur le rocher où l’attendait sa fiancée ; et la fiancée, loin de réclamer cette fois l’or du navire englouti, pressait les apprêts de leur mariage ; mais le conseiller du prince demeurait inébranlable. Il voulait le bonheur de son jeune maître, et recueillait avec soin tous les bruits alarmants qui couraient sur le compte de la fiancée des morts. Il ne tarda pas à apprendre l’histoire du vaisseau submergé et des anciennes exigences d’Igilt. Enfin il se rendit auprès du sire du Dourdu et lui demanda quelle dot il donnerait à sa fille.

— Une dot ! répondit le vieillard ; je n’ai pour toute fortune que ce vieux donjon et son petit domaine, et ne puis, vous le voyez, donner à ma fille que ma bénédiction paternelle.

Le sage d’Hibernie, retenant à peine ses larmes, reprit pourtant avec une feinte sévérité :

— Par malheur ! ce n’est pas assez. Le roi mon maître exige mille doublons d’or.

— Mille doublons ! fit le vieux seigneur ; hélas ! où voulez-vous que je trouve pareille somme ?