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LE POUSSEUR DE LA DOURDU


aperçu l’éclair de ses yeux bleus, n’avaient plus de repos qu’ils n’eussent demandé sa main. Alors la cruelle ne manquait jamais de conduire le jeune homme sur le sommet de la roche noire et, lui montrant l’abîme qui écumait à leurs pieds, elle disait :

« Ami, là se trouve assez d’or pour remplir ma corbeille de mariage. Va le quérir sans retard, si tu as du courage. Le fantôme du Dourdu te conduira. Reviens riche comme un prince : Igilt sera pour toi. »

Plusieurs infortunés tentèrent, dit-on, l’aventure et ne revinrent jamais. Poussés sans doute par le fantôme trompeur, ils tombaient dans l’abîme, et chaque fois, la cruelle Igilt disait en riant que c’était un de plus à ajouter à sa couronne de fiancée… fiancée des morts comme elle osait se nommer avec un rire sinistre.

Prends garde, fille coupable, que cette couronne funèbre ne se change bientôt en linceul. Les mouettes fidèles ont porté ton message… voici venir de l’autre côté de la mer un vaisseau sous toutes voiles. Il grandit à l’horizon. Tu peux déjà distinguer la couleur de son pavillon… Il est noir comme l’aile du corbeau ; sur la proue un beau seigneur, couvert d’une riche armure, cherche de loin si l’objet de ses vœux l’attend sur son rocher. Oui, tes désirs sont accomplis. Ton prince arrive… le voilà… Mais pourquoi frémis-tu ?… Ah ! je vois auprès du prince un vieillard qui t’observe : c’est son conseiller, un sage d’Hybernie, auquel il a été confié par la tendresse d’un père alarmé…