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FANTÔMES BRETONS


se mit à monter la garde. Pendant deux jours tout alla bien, mais le troisième il prit une chopine de vin de feu pour se tenir éveillé, et le lendemain on le trouva ronflant sous le poirier, qui n’avait plus que deux poires : celle du milieu avait disparu. Et voilà nos filles encore sans dot pour une année au moins.

— Ça m’est égal, dit l’ivrogne en s’éveillant, la mienne y est encore. Ce soir, je veillerai mieux.

En effet, ce soir-là et le suivant, il veilla pour de bon avec son fusil chargé, et rien ne bougea. Mais la troisième nuit, comme il faisait une chaleur affreuse, Yann se crut permis d’avaler cinq ou six chopines de cidre, et quand il s’éveilla le matin, la poire du Nord s’en était allée rejoindre celle du milieu.

Qui jura bien et fort ? Ce fut Jean-le-Mauvais. Il s’emporta contre son père, battit trois ou quatre de ses sœurs qui voulaient le sermonner et chercha querelle à son frère qui ne l’apaisa qu’en lui offrant la moitié de sa poire.

— À mon tour de monter la garde, dit alors Claudik, en s’armant d’un grand sabre qu’il aiguisa comme un rasoir. Et là-dessus, il alla se poster contre le gros tronc du poirier. Alors il commença par jouer un petit air de biniou pour se donner du cœur.

Jusqu’à minuit rien ne parut… Mais, quand le dernier coup de minuit eut sonné dans la tour de Daoulaz, voilà que… Et, à ce propos, il est bon de vous dire que minuit sonnait tout seul dans la tour du couvent où il n’y avait plus d’horloge, depuis que le Sire du Faou avait tué deux moines d’un coup d’épée !