Aller au contenu

Page:Du Laurens de la Barre - Fantômes bretons.djvu/118

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

122
FANTÔMES BRETONS


C’était à faire frémir, mais Claudik était brave et s’avançait toujours ; il lui semblait même que la main énorme remuait dans le sac pour le pousser en avant.

Enfin, il arriva ainsi au défilé que lui avait annoncé la vieille : il vit la grande avenue et se disposait à prendre le petit chemin à côté, lorsqu’il remarqua des ombres étranges que le vent balançait sous les arbres. Alors il regarda par-dessus le talus, et que vit-il, Seigneur Dieu ?… Il vit des corps humains pendus par les pieds à des branches d’ormeaux, et tout près de la barrière, il y avait encore deux branches ployées et munies de grands lacs tendus sur le passage de ceux qui entraient.

— Mon frère est peut-être dans cette compagnie, se dit le pauvre garçon en se signant ; et il se mit à gravir le petit chemin entre les rochers.

Bientôt il aperçut, au milieu des arbres, les grosses tours du manoir. Il s’avança du côté où l’on ne voyait que deux ou trois lucarnes et, s’arrêtant sous la première, il tira son biniou et se mit à sonner doucement un jabadao à la mode de Guingamp. Aussitôt la lucarne s’ouvrit : une dame belle comme l’aurore se pencha, lui dit : « Me voilà ! » et descendit dans la prairie où se trouvait Claudik. Claudik n’y comprenait rien, mais naturellement il la laissa faire. La dame le prit par le bras gauche et voilà notre beau sonneur, toujours chargé de la main énorme, dansant la gavotte avec Fleur-du-Kranou ; aussi fut-il bientôt fatigué et, s’étant arrêté à bout de forces, il demanda à la princesse de le présenter au Roi.