Page:Du Laurens de la Barre - Fantômes bretons.djvu/12

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

16
FANTÔMES BRETONS


rocher battu par les vagues, conjurer les flots qu’elle croyait apaiser. Puis la lune se leva. Sa pâle lumière éclaira les vagues transparentes d’un éclat tellement inusité que le fond de la mer parut éblouissant aux yeux fascinés de la sibylle.

— À moi, esprit des ondes ! s’écria-t-elle ; à moi, fantôme de la fortune !… Déjà les flots se retirent et secondent mes desseins… Viens me conduire au but de mes rêves… Viens me guider vers tes richesses… et me donner enfin le bonheur !

L’écho lugubre répondit malheur ! dans les cavernes des rivages déserts, et, tandis que la fiancée continuait son évocation coupable, elle se sentit poussée vers les ondes par un bras invisible… Bientôt les vagues la reçurent dans leur sein. Igilt plongeait, plongeait sans cesse, et chaque fois ses mains déchirées aux pointes des rochers, ses mains sanglantes ne retiraient du fond de la mer que des poignées de sable qui brillait comme de l’or aux clartés de la lune… Chaque fois, remontant à la surface de l’onde, elle lançait sur la grève une traînée de sable en criant : « Encore un coup, et la somme y sera. » Puis elle disparaissait sous l’écume des vagues…

— Igilt, ma fiancée ! s’écria le prince Ivor accouru pâle et frémissant sur la roche fatale : reviens, reviens, plus n’est besoin de cet or funeste. J’ai fléchi mon père. Reviens, Igilt ; Ivor t’attend.

Mais les vagues déferlaient lourdes et hautes sur la grève, et la funèbre nageuse ne les effleurait plus de ses bras blancs…