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Page:Du Laurens de la Barre - Fantômes bretons.djvu/158

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FANTÔMES BRETONS


part, afin de l’éviter, Corfmat (dit le Nantais, parce qu’il avait longtemps vagabondé sur le port de Nantes) les apostropha avec impatience et en donnant sur la table un violent coup de poing.

— Ah ! ça, mille sabords du diable ! s’écria-t-il, allez-vous, oui ou non, virer de bord devers moi, ou me laisser ici bout au vent ?

Les marins, sur un signe du recteur, gardèrent le silence : le Nantais furieux continua :

— On m’avait bien dit, là-bas, que les Houatais n’étaient plus que des mariniers d’eau douce

À ce terme de mépris, voyant ses deux amis s’agiter péniblement, le curé crut devoir intervenir avec cette ferme bonté qui le caractérisait.

— Vous avez tort, mon ami, dit-il au Nantais, de parler ainsi à vos camarades, à votre retour dans votre île natale.

— Alors, il ne faut pas qu’ils aient l’air de vouloir me traiter comme une vieille bouée.

— Personne ne vous attaque, Corfmat ; c’est vous qui nous manquez en tenant un pareil langage.

— Eh bien ! faites-moi donner une ration de vin, et je me tais.

— Du vin, non, c’est impossible, pas à cette heure, ni dans l’état où vous êtes.

Il semblait fort à craindre que le marin irrité n’allât se porter à quelque fâcheuse extrémité ; c’est pourquoi le recteur s’empressa de le devancer en lui parlant cette fois sévèrement.

— Écoutez-moi bien, Corfmat, lui dit-il ; rappelez-