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LE RECTEUR DE L’ÎLE DE HOUAT


vous que je ne suis pas seulement le chef spirituel du petit troupeau que Dieu m’a confié sur cette île, bien étroite il est vrai, mais où ses bénédictions savent nous protéger. Avez-vous oublié que je suis le chef temporel de ce pauvre pays ? Ne venez donc pas le troubler sans nécessité. Maintenant, allez-vous-en et conduisez-vous bien ; ainsi, vous me trouverez toujours prêt à vous rendre service.

Le Nantais se leva en trébuchant, tout étourdi de colère ou de confusion, peut-être par ces deux sentiments à la fois, puis il s’éloigna et sortit, mais non sans avoir jeté un regard, où se peignait toute sa haine, sur les deux braves marins qui s’étaient disposés à prêter main-forte au recteur.

Ils quittèrent ensuite la cambuse, et les pêcheurs se dirigèrent vers leurs chaloupes ou leurs cabanes, après avoir promis au pasteur de veiller sur la pauvre femme que nous avons nommée Anna, et de ne pas perdre de vue le méchant homme qui semblait n’être revenu au milieu d’eux que pour jeter le trouble dans leur île, si paisible d’habitude.


II. — Anna Morel.

Peu de jours après, sur le soir, nous pénétrons dans une cabane d’un aspect misérable, bâtie avec de la terre et des galets, et recouverte de béen desséché (sorte de goëmon que le vent pousse à la côte). Une pauvre femme est assise sur un escabeau auprès d’un berceau qui ressemble fort à une vieille caisse. Elle berce son enfant en murmurant à demi-voix une complainte