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Page:Du Laurens de la Barre - Fantômes bretons.djvu/171

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LE RECTEUR DE L’ÎLE DE HOUAT


— Julien Morel ! Mais on a dit qu’il avait été tué sur les côtes d’Espagne !

— Silence ! C’est faux, dit le bon prêtre ému et indigné ; pas un mot de plus à ce sujet. Celui qui a fait courir ce bruit est un lâche… Éloignez-vous un peu, mes amis, afin que je puisse parler seul à cette malheureuse.

Tous les marins se retirèrent sur un autre point de la falaise, et M. Pol s’avança vers le groupe qui entourait Anna Morel, en murmurant : « Hélas ! faites, mon Dieu, que j’aie dit la vérité à ces hommes, et que Julien soit vivant. »

Anna était accompagnée du père Madec et de sa tante Catherine. Malgré toutes les instances de cette dernière, la jeune femme, ayant ouï dire que la Galathée avait été signalée, au point du jour, dans les eaux de Houat, était sortie de sa maison précipitamment, tenant son enfant dans ses bras et presque semblable à une folle. C’est qu’il est difficile de concevoir l’âpre bonheur qu’il y a dans la vue même d’un vaisseau encore éloigné, mais où respire celui que l’on attend, que l’on aime. Qui n’a versé des larmes en lisant ces pages déchirantes, où Bernardin de Saint-Pierre nous fait voir l’infortuné Paul, meurtri, à demi noyé, s’élançant encore à la mer pour lui arracher Virginie qui allait périr avec le Saint-Géran ?

Telles étaient, quoique plus calmes, les impressions d’Anna Morel à la vue de la Galathée. Elle quitta tout à coup l’appui que son guide prêtait à ses pas, gravit en courant un promontoire élevé, et là, tendant