Aller au contenu

Page:Du Laurens de la Barre - Fantômes bretons.djvu/172

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

176
FANTÔMES BRETONS


vers le vaisseau sa petite fille au risque de la laisser tomber dans les vagues, elle se mit à appeler Julien d’une voix dont les tristes accents brisaient le cœur de ses amis. Hélas ! Julien, s’il se trouvait sur la frégate, ne pouvait entendre sa malheureuse compagne, bien que ses cris redoublassent de minute en minute.

— Mon Dieu ! s’écria le patron, elle va jeter son enfant dans la mer, et s’y affaler en même temps. Je m’en vais la tirer de là.

— N’en faites rien, lui dit M. Tanguy en l’arrêtant ; elle ne tombera point, je vous l’assure : le bon Dieu veille sur elle et la soutient. Il faut que cette crise ait son cours ; elle sera plus calme ensuite. Voyez, ses cris diminuent ; ce ne sont plus que des sanglots, et dans un moment ses larmes deviendront des prières.

Le vieux prêtre, dont le grand cœur avait si souvent sondé la nature humaine dans ses joies, dans ses écarts et dans ses douleurs, avait bien prédit ce qui arriva. En effet, la pauvre femme, à bout de forces, se laissa tomber à genoux sur le rocher ; elle souleva encore une fois sa petite fille, qui plaignait de peur et de froid, la baisa sur le front, l’inonda de larmes ; puis, s’apercevant enfin que l’enfant grelottait, elle l’entoura soigneusement de son mantelet, et la pressant sur son sein pour la réchauffer, elle se mit à prier avec ardeur.

Bientôt après, elle revint à l’endroit où ses amis l’attendaient et reprit paisiblement avec eux le chemin de sa maison.