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FANTÔMES BRETONS


sance, et trouvant dans les sanglots à peine contenus qui éclataient parfois autour de sa couche une nouvelle preuve de l’attachement bien profond que l’île tout entière lui avait voué, le vieillard essaya de faire entendre encore quelques paroles de consolation.

Hélas ! tous comprirent que ce devaient être les dernières, et tous, par un même sentiment d’amour, de douleur et de piété, se mirent à genoux autour de ce lit funèbre.

— Mes enfants, leur dit le pasteur, en faisant un violent effort pour parler, vos larmes m’annoncent que je vais mourir, et je sens là, en moi-même, que le moment est venu. Je ne regrette pas la vie, quoique vous me l’ayez rendue bien douce ; je ne regrette pas la terre, si mon maître daigne me donner le ciel en échange… Ne pleurez pas, si vos larmes protestent contre la volonté de Dieu ; mais qu’elles coulent en paix, qu’elles coulent longtemps sur la tombe de celui qui ne sut que vous aimer, si ce sont des larmes de reconnaissance et de résignation… Soyez toujours chrétiens, aimez-vous les uns les autres ; aimez Jésus-Christ, ajouta le prêtre mourant en serrant sur sa poitrine haletante un crucifix… Implorez sa divine miséricorde pour moi… comme je l’implorerai pour vous… Oui, sachez vous aimer ; c’est là tout le secret du seul bonheur que l’on puisse goûter ici-bas… Voyez : un homme qui naquit parmi vous, qui fut jadis votre parent, votre ami, oublia un jour ce divin précepte de la charité… et Dieu l’a puni… Jésus miséricordieux,