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FANTÔMES BRETONS


grève paraissait solitaire. Les flots, en battant les noirs récifs, répondaient seuls aux cris des cormorans. Alors Lestour parvint à saisir, au moyen de son croc de fer, une caisse pesante qu’il se mit en devoir de briser, afin d’enlever ce qui conviendrait mieux à sa convoitise et à ses forces. Il ne voyait pas des ombres monter lentement sur la falaise, au-dessus de la place où il travaillait. Tout à coup, des deux côtés de la baie, des appels réitérés se firent entendre. C’était Christophe, ses douaniers et quelques matelots du navire naufragé…

Que faire ? Fuir par les falaises était presque impossible. Attendre ? Le flagrant délit était constant… La mer, la mer seule offrait au misérable ses flots agités, mais pourtant secourables. Il n’y avait pas à hésiter : le pilleur s’élança dans l’eau et, nageant avec une rare intrépidité, il se serait sauvé sans doute, si les douaniers, et surtout Brionel qui passait pour un habile tireur, n’eussent fait feu sur lui à plusieurs reprises. Le lendemain, la mer rejeta sur la plage le corps du pilleur au milieu des débris qu’il avait convoités.

Ce tragique événement causa une vive émotion dans le village. La veuve Lestour, malgré sa piété qui lui commanda de pardonner, ne put cependant oublier d’où venait le coup affreux qui l’avait privée de son mari, coupable sans doute, mais qu’elle espérait ramener au devoir. Elle eut la force de ne jamais confier à son fils la cause de sa peine. Franz fut plusieurs années sans soupçonner la part que Christophe avait prise à la mort de son père.

Lorsqu’avec le temps, une circonstance fortuite, que