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LE FILS DU PILLEUR


gardienne étaient assises sur la pointe avancée de Lok-Irek, sans doute pour attendre Brionel. La bonne femme se rappela qu’elle avait oublié à la maison un travail recommandé par le patron et manifesta son inquiétude à la petite fille.

— Va bien vite, lui dit l’enfant ; le père gronderait à son retour. Il ne tardera pas à revenir ; je crois même que j’aperçois son embarcation là-bas dans la brume. Je vais t’espérer ici.

La gardienne s’éloigna sans se faire prier davantage et Martha demeura seule, plongée dans sa rêverie.... Le vent commençait à s’élever. Les nuées devenaient plus épaisses. Il y avait un grain sur la mer. La marée montante, poussée par le vent d’ouest, vint battre tout à coup et entourer les rochers où se tenait la fille de l’ancien brigadier.

Elle ne remarqua pas au premier abord ces signes avant-coureurs du danger ; mais quand son coup d’œil d’enfant des grèves lui en eût révélé l’imminence, Martha descendit l’escarpement des rochers et n’hésita pas à se mettre à l’eau pour traverser à gué le chenal où les lames roulaient déjà à de courts intervalles. Du temps où Franz la portait sur ses fortes épaules, vingt fois ils avaient pris ce chemin pour gagner le village. Mais aujourd’hui elle était seule, seule et épouvantée… Passer entre deux lames n’eût pas été impossible si sa démarche eût été plus hardie et le temps moins sombre. Mais il n’en était pas ainsi. Martha tremblait et son infirmité rendait ses pas plus chancelants dans l’obscurité croissante. Enfin une forte houle, poussée par