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FANTÔMES BRETONS


scène avait atteint les derniers ressorts de sa frêle organisation.

Mais, chose étrange ! Si le chagrin prolongé terrasse à la fin ses innocentes victimes, la honte, la colère, l’impuissance à changer des événements funestes, le remords enfin, tuent peut-être plus vite. Le violent brigadier, injuste et cruel, nous en montre ici un exemple. Soit que la santé de sa fille qu’il voyait décliner, sans vouloir ni savoir y porter le seul remède nécessaire, soit que son orgueil blessé, aigri, envenimé, eût frappé son moral d’un coup qui affaissa ses forces en peu de temps, toujours est-il que Brionel tomba malade au bout de quelques mois, et mourut un peu apaisé, sans doute, par les larmes de sa fille, mais sans avoir pardonné à ceux qu’il nommait les auteurs de sa mort.


Martha languit une année environ après la mort de son père. Dans les derniers temps, on voyait passer sur la grève de Lok-Irek deux femmes en deuil, marchant lentement les yeux fixés sur la mer où des voiles paraissaient au large. Elles s’arrêtaient de temps à autre pour mieux regarder. La plus petite, toute pâle et qui boitait un peu, s’asseyait souvent sur les roches. Sa compagne l’aidait à marcher et l’entourait de soins maternels. Il serait inutile de les nommer. La veuve et Martha, désormais inséparables, allaient au-devant d’un fils et d’un fiancé… triste fiancé qui savait que la mort épouserait sa promise… Esclave de sa tendresse et de son dévouement, Franz, rattaché à la vie par le sentiment du devoir, travaillait avec ardeur