— Votre fanal, votre fanal ! s’écria la fille du pêcheur saisissant l’idée du vieux marin ; donnez-moi votre fanal, Monsieur Abel, et j’oublierai tout, et je vous aimerai toute ma vie, et mon père, s’il est sauvé, vous bénira…
Le jeune homme n’avait pas besoin des larmes de la pauvre enfant pour se dévouer au salut d’un malheureux. À moins de deux encablures de la côte, une roche élevée, à pic, s’avançait dans la mer. Les lames s’y brisaient sans cesse, et, pour l’atteindre, il fallait marcher, tantôt à sec, tantôt avec de l’eau jusqu’aux genoux, à marée basse, sur une étroite chaussée formée en partie de pierres roulées par les flots, en partie au moyen de gros galets disposés par les pêcheurs. La mer achevait alors de descendre ; c’était là ce qui contenait encore l’explosion de la tempête, et qui permit au courageux Abel de s’élancer sur la chaussée, au mépris des flots, des rafales et des supplications de Jacques épouvanté.
Il avait déjà parcouru le tiers de la distance, lorsqu’il s’aperçut avec effroi que la paysanne le suivait et s’efforçait de le rejoindre.
— Malheureuse, lui dit-il en s’arrêtant, retourne, retourne à la côte ou tu es perdue !
— Que non pas, fit Marguerite, je connais les pierres, je les vois sous l’eau mieux que vous.
— Mais tu me retardes, et, pour revenir, la mer aura commencé à monter, et nous serons perdus, cette fois.
— À savoir, Monsieur Abel ; au surplus, qu’im-