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LA CHAPELLE DE LOK-MARIA DE GROIX


— C’est que j’ai rêvé, cette nuit, ouragan et naufrage, et je voyais… non, non, je ne puis raconter cela… je souffre trop en ce moment…

— Qu’as-tu, pauvre créature ? Tu trembles, tu frissonnes ; vois-tu quelque chose ?

— Une voile, s’écria Marguerite éperdue, en prenant sa course, une voile !

Alors elle s’élança du côté des grands rochers qui surplombent au-dessus de la côte ; et, pour voir de plus loin, sans doute, elle voulut les gravir rapidement. Mais sa marche était chancelante, ses pas mal assurés ; on eût dit un oiseau blessé que le plomb vient de frapper à l’aile. Le vieux marin s’en aperçut, et lui cria qu’elle se trompait, qu’aucune voile ne paraissait en vue… de prendre garde, de revenir auprès de lui.

Hélas ! il était déjà trop tard : Marguerite avait presque atteint le sommet des rochers, lorsque Jacques la vit se pencher au-dessus de l’abîme, perdre l’équilibre en poussant un cri et rouler à plus de cinquante pieds au bas de la falaise. Le pauvre homme descendit au plus vite, par un sentier dangereux, et releva le corps de la jeune fille. Il la porta dans ses bras jusqu’au bord de la mer, où la fraîcheur des vagues rendit un peu de sentiment à la malheureuse enfant. Elle devait se tuer dans cette chute affreuse ; par bonheur, quelques arbustes, qui croissaient entre les fentes des pierres, en avaient amorti les effets. Le vieux marin éprouvait une angoisse inexprimable, en considérant ce visage tout angélique, pâli peut-être par l’approche de la mort…