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FANTÔMES BRETONS


— N’oublie pas le fanal, murmura Marguerite, avec effort… ce soir… à Lok-Maria…

Et elle s’évanouit de nouveau.


III

L’ouragan règne au loin sur la mer. Les Grésillons assurent que, depuis dix ans, on n’a point vu pareil coup de vent. Le soleil, au terme de sa course, va plonger dans les flots son disque rouge, que l’on n’a fait qu’entrevoir un instant, entre d’énormes nuages teintés de larges bandes de feu. Les rafales du sud-ouest sont lourdes, inégales, incessantes ; les vagues s’élèvent à une grande hauteur et déferlent à grand bruit sur les brisants. La nuit sera horrible… Et cependant on a signalé au large un navire d’un assez fort tonnage. Il a tiré trois coups de canon, soit en signe de détresse, soit pour commander de veiller à la côte. Depuis il a cessé de tirer, et, au coucher du soleil, on a remarqué qu’il gouvernait bien encore, faisant route, presque sans voiles, le cap sur la rade de Lorient.

À la nouvelle que l’on avait signalé des voiles dans le sud, M. Rochelan s’était rendu sur la grève, où beaucoup de marins se rassemblaient déjà ; mais, après avoir acquis la certitude que l’on ne découvrait pas plus d’un seul navire, qui, au milieu du brouillard et de la pluie, semblait être plus fort qu’aucun des siens, le négociant, satisfait et tranquille dans son égoïsme, reprit aussitôt le chemin de son habitation. Il approchait alors des murs de la chapelle de Lok-Maria ; la