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FANTÔMES BRETONS


heureux vieillard dans la plus grande perplexité. L’alternative était cruelle.

— Me chasser, moi, s’écria Jacques, me chasser ! il me l’a dit… que Notre-Dame fasse miséricorde aux matelots !

Puis, murmurant des prières, les yeux fixés sur la mer, son fanal à la main, le vieux serviteur descendit vers la falaise et se joignit aux groupes de marins que la tempête avait rassemblés.

— On prétend que la petite Marguerite ne peut survivre à la chute qu’elle a faite tantôt, dit un pêcheur, au moment où Jacques arrivait.

— Le bon Dieu la sauvera, répondit-il.

— Tant mieux, dit un autre, elle est si bonne, si jolie…

— Ciel ! regardez, matelots, quel éclair !

— Mon Dieu ! j’ai aperçu la mâture du bâtiment ; m’est avis qu’il chasse à la côte, sur la pointe d’Enfer.

— C’est vrai, voilà un autre éclair. Voyez, et pas un signal sur ces brisants !

— Impossible d’y atteindre ; la chaussée est recouverte à cette heure de six pieds d’eau ; et les lames sont hautes à tout renverser.

— Encore si l’on avait allumé le fanal de Lok-Maria… Malheureusement la petite est sur le lit ; mais, vous, Jacques, je croyais que vous vous en occupiez aussi ?

— Impossible, matelots, répondit le pauvre homme, ne voulant pas dévoiler la conduite indigne de son