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Page:Du Laurens de la Barre - Fantômes bretons.djvu/245

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LA CHAPELLE DE LOK-MARIA DE GROIX


cer dans la mer jusqu’aux récifs où le bâtiment s’était entr’ouvert. Il ne cessait d’appeler Abel à grands cris, lorsqu’une houle furieuse s’abattit contre les flancs du brick qu’elle acheva de détruire, et roulant vers la côte avec un bruit affreux, emporta le vieux marin que les pêcheurs relevèrent tout sanglant et brisé.

Les trois navires de M. Rochelan, portant une grande partie de sa fortune, firent naufrage la même nuit ; le premier, que commandait Abel, périt ainsi que nous l’avons rapporté ; les deux autres, séparés par l’ouragan, sombrèrent en pleine mer. Le pauvre Jacques mourut, deux ou trois jours après, des suites des contusions et de la douleur qu’il avait ressentie dans la nuit du naufrage.

Abel, après avoir, durant trois mois, donné les plus vives inquiétudes pour sa vie, revint cette fois encore à la santé. Dieu l’appelait à de plus grandes choses.


Tant de malheurs, tant de chagrins réussirent-ils enfin à ouvrir les yeux du père aveuglé et impie ? Nous inclinons à le croire, car, avant le retour du printemps, M. Rochelan vendit sa pêcherie et annonça qu’il retournait sur le continent. Vains projets ! le temps ne lui fut pas accordé de remplir ses derniers desseins. La perte des biens de ce monde est souvent, paraît-il, hélas ! un coup que l’homme ne supporte pas. Le négociant portait à la fin le poids amer de ses jours dépensés dans l’erreur et l’éloignement du bien. Un sombre désespoir le conduisit en peu de mois aux portes du tombeau. Mais les prières du fils pieux et