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Page:Du Laurens de la Barre - Fantômes bretons.djvu/246

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FANTÔMES BRETONS


soumis avaient touché le cœur du père trop longtemps endurci.

Ô tardive, mais bien douce consolation ! M. Rochelan, après de longues souffrances et de cruelles alternatives de désespoir et d’espérance, que lui imposait la justice de Dieu, mourut en chrétien dans les bras de son fils…


… Un soir, un vaisseau, sorti de la rade de Lorient, faisant voile pour l’Amérique, cinglait sur la mer Armoricaine et rangeait, à moins d’une portée de canon, les côtes de l’île de Groix. Alors un jeune homme, vêtu d’une longue robe noire, monta sur le gaillard d’arrière. Il tourna vers l’îlot paisible un regard voilé de larmes, murmura un suprême adieu ; et tant que les rochers de la falaise purent être aperçus à travers la brume du crépuscule, il demeura à la même place, le corps tendu, sans mouvement, les yeux fixés, pareil à une statue.

Enfin la brise du soir commença de souffler plus fortement sur la mer ; l’obscurité s’étendit sur les flots agités ; la marche du vaisseau devint plus rapide. Le jeune religieux paraissait de plus en plus attristé. Tout à coup, son regard s’illumina à la vue d’une clarté qui brilla sur la côte de l’île de Groix, et on aurait pu l’entendre murmurer ces mots :

— Le fanal de Lok-Maria !


Oui, c’était le fanal du petit clocher, et ce religieux qui venait de l’apercevoir avec tant de joie, c’était Abel,