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FANTÔMES BRETONS


conscience, lâche et bourrelée, ne lui laissait guère de repos en dépit de tous ses efforts, il crut prudent de chercher un complice et passa par le moulin, d’où, après maintes libations en l’honneur du fil et de la farine, il entraîna avec lui le vieux père Furik, le meunier de Kerdilès.

Le bonhomme, malgré le vin qu’il avait bu, n’était ni très-brave ni très-solide sur ses jambes, et à chaque détour du chemin, surtout à l’approche du taillis, il faisait une halte prudente.

— Heu ! fit-il enfin, seigneur Penvern, m’est avis que le temps est bien noir et l’heure un peu trop avancée. Et puis, voyez-vous, pour abattre un saint, un saint si vieux…

— Justement, maître Furik, interrompit le marchand, puisqu’il est vermoulu, nous en aurons plus vitement raison. Et puis tu devrais savoir que nous avons supprimé tous les saints, sans exception.

— Je ne dis pas non, reprit le meunier, après une pause remplie par les cris des chouettes ; je ne dis pas non, mais, tout de même, si ça allait mettre du noir dans ma farine ?…

— Il y a bien longtemps que tu n’y regardes plus, Furik ; nous savons à quoi nous en tenir là-dessus, vieux coquin.

— Heu ! vous voulez rire, Penvern… Holà ! ho ! ho !! qui diable vient de me saisir par mon habit ! Malhur-ru ! si c’était le barbet de saint Roch ?… Oui, je sens ses dents pointues dans ma chair… Lâche-moi donc, maudite bête !