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Page:Du Laurens de la Barre - Fantômes bretons.djvu/8

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FANTÔMES BRETONS


de leur futur gendre, il disait à la jeune châtelaine : « Ma fille, cessez de poursuivre ainsi des songes dorés, remplis de périls pour votre âme… Épousez un homme craignant Dieu, et les autres qualités, soyez-en certaine, ne lui feront pas défaut… »

Mais Igilt avait bien d’autres idées sous sa longue et noire chevelure. Maintes fois elle avait entendu parler des fêtes et tournois de la cour du duc de Bretagne, des chevaliers, des paladins bardés de fer et d’or ; en sorte qu’Igilt rêvait pour son beau front une couronne de duchesse. Qui n’eût été troublé jusqu’au fond du cœur, en voyant, un soir d’été, la châtelaine, debout sur le grand rocher de la Dourdu, dérouler au vent ses longues boucles d’ébène ? Les mouettes, confidentes de ses rêves insensés, voltigeaient en foule autour d’elle et semblaient parfois lui former un blanc diadème de leurs ailes d’albâtre.

« Volez, volez, volez, oiseaux fortunés, disait Igilt en soupirant, et portez par delà ces tristes rivages le renom de la beauté d’Igilt la brune. Puis qu’enfin quelque prince d’Hibernie vienne m’arracher de ce tombeau ! »

Mais aucun prince ne paraissait à l’horizon. En revanche, nombre de jeunes seigneurs de Bretagne s’étaient déjà perdus par amour pour elle. Attirés par la réputation de sa grande beauté, les imprudents montaient dans une barque et passaient au pied du rocher où venait souvent l’enchanteresse, afin de pouvoir du moins l’admirer. Igilt était-elle une fée ? nous l’ignorons. Mais ceux qui une seule fois avaient