Page:Du halde description de la chine volume 1.djvu/144

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le grand général Lu kong ge refusa de recevoir les ordres qui lui furent envoyés de la cour, et pensa même à se faire roi.

C’était un homme d’une ambition démesurée, fier, plein de son mérite, extrêmement colère, et souvent cruel ; mais d’ailleurs il avait de la bravoure, et de l’adresse, et il était capable des plus grandes entreprises. Il saisit donc sans balancer cette occasion de monter sur le trône. Il fit d’abord courir le bruit qu’il se préparait à venger la maison royale, en exterminant les usurpateurs de la couronne : il leva de nouvelles troupes, dont il grossit son armée, et vint en diligence au-devant de celle du nouveau roi : il la défit entièrement, il prit et pilla Ouei tcheou et par la jonction d’un grand nombre d’officiers et de mécontents qui étaient venus le trouver avec leurs troupes, il se trouva à la tête de cent mille combattants. Il ne s’agissait plus que de faire entrer les gouverneurs des provinces dans son projet, et c’est à quoi il pensa d’abord.

Cham pi pi était un des principaux : il s’était fait une grande réputation, parmi tous les gens de guerre. Dès qu’il fut chargé du gouvernement de Tchen tcheou par le roi Y tai, il s’était tellement appliqué à discipliner ses troupes en leur faisant faire souvent l’exercice, et en leur apprenant divers stratagèmes de guerre, qu’on les regardait comme les meilleures troupes de l’État.

Lu kong ge voulut le sonder d’abord, et après lui avoir écrit une lettre captieuse, il s’avança vers sa ville. Cham pi pi pénétra le dessein du général, et résolut de le traverser. Pour le tromper à son tour, il lui fit une réponse si modeste, que Lu kong ge ne douta point qu’il ne l’eût gagné à son parti. Aussitôt après le départ du courrier, Cham pi pi se mit en marche avec toutes ses troupes il fit tant de diligence, qu’il arriva presque en même temps que sa lettre. Il fit attaquer sur-le-champ l’armée de Lu kong ge beaucoup plus forte que la sienne mais dans la surprise où il trouva ce général, il n’eut pas de peine à la défaire.

Lu kong ge après avoir rallié le reste de ses troupes, se retira la rage dans le cœur. Il vit bien que Cham pi pi serait un grand obstacle à ses vues ambitieuses, d’autant plus qu’il avait publié dans son gouvernement qu’il fallait se donner un roi qui fût du sang royal et que si cela n’était pas possible, il valait mieux se soumettre à l’empereur de la Chine, que de favoriser l’ambition d’un sujet rebelle.


846 et 849.

Lu kong ge après avoir rétabli son armée, crut que pour se faire un nom, et gagner l’affection de sa nation, il fallait entrer sur les terres des Chinois, et les abandonner au pillage. Il eut au commencement quelque succès, mais bientôt il fut battu par les généraux chinois, qui enlevèrent ensuite aux Tou fan la ville de Yen tcheou et plusieurs forteresses.

Ces pertes n’étonnèrent point Lu kong ge : il crut que s’il était une fois le seul maître du royaume, il ne lui serait pas difficile de les réparer ; c’est pourquoi il ne songea plus qu’à réduire Cham pi pi. Il avait grossi son armée de nouvelles recrues, et des Tartares anciens alliés des Tou fan auxquels il avait promis le pillage des frontières de la Chine. Il se mit en marche, et