Page:Du halde description de la chine volume 1.djvu/165

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qui était celle de Noël, nous fîmes nos messes dans la salle, laquelle était aussi stable que si la barque eût été arrêtée.

Le 25 fête de Noël, nous nous trouvâmes le matin au pied des murailles de Sou tcheou dans un grand canal large de 35 ou 40 pieds, qui court nord et sud le long d’un pan de murailles, dont nous découvrîmes d’une seule vue environ une lieue d’étendue, et presque en ligne droite. Notre barque s’arrêta vis-à-vis d’une grande arche d’un pont magnifique, par dessous lequel on passe dans un grand canal qui court vers l’ouest, et qui va se perdre dans un fort long faubourg.

Sur la rive de la campagne nous vîmes une espèce de gros pavillon ou édifice carré à double toit recoquillé, couvert de tuiles jaunes, et environné d’une muraille percée à jour par le haut, et ornée de plusieurs figures différentes. C’est un monument que les mandarins ont élevé en mémoire de l’honneur que l’empereur Cang hi fit à leur ville, lorsqu’il y vint, et qu’il y parut sans faste, et sans cette pompe qui accompagne d’ordinaire les empereurs chinois. On a gravé sur une pierre de cet édifice l’instruction que l’empereur fit au viceroi pour le gouvernement du peuple.

Nous entrâmes de grand matin dans la ville par la porte de l’ouest, et après avoir fait cinq ou six lis[1] sur différents canaux, nous arrivâmes à notre église, où nous trouvâmes le père Simon Rodriguez qui gouvernait une chrétienté nombreuse et fervente. Nous vîmes proche de la porte par où nous entrâmes une tour polygone de six à sept étages, et à une grande lieue hors des murailles, une autre tour également haute dans un des faubourgs qui s’étendait à perte de vue.

Ce jour-là nous reçûmes une visite de Hiu lao ye, petit-fils de Paul Siu, ce célèbre colao, qui a été un des plus grands défenseurs de la religion chrétienne. Ce mandarin s’est retiré à Chang hai avec sa famille : il eût été viceroi sans les liaisons qu’il a eues avec Ou fan guey qui s’était révolté contre l’empereur. Il est Han lin[2] c’est-à-dire, un des docteurs du premier ordre, que Sa Majesté choisit comme les plus habiles pour composer, imprimer, et rester ordinairement auprès de sa personne. Cette dignité lui donne un rang considérable ; les billets de visites qu’il envoie sont écrits de la même manière que ceux des vicerois.

Cet illustre chrétien, malgré nos oppositions, se mit à genoux en nous saluant, et frappa la terre de son front pour marquer le respect qu’il porte aux prédicateurs de l’Évangile. Le 26 nous allâmes visiter le viceroi de la province qui réside en cette ville. Il nous reçut avec beaucoup de politesse et de civilité, et après un long entretien il nous reconduisit jusque dans sa cour.

Le 28 nous partîmes de Sou tcheou. Nous fîmes d’abord environ deux mille pas vers le nord sur un grand canal, qui règne d’une part le long des murailles de la ville, et a de l’autre part un grand faubourg coupé de canaux en divers endroits, et dont les maisons sont extrêmement serrées. Nous vîmes près d’un quart de lieue de suite double et triple rang de barques si pressées, qu’elles se touchaient toutes par les côtés. Nous

  1. Dix lis font une lieue commune.
  2. A Peking il y a un Collège qu’on appelle le Collège des Han lin. Ils ont un président.