Page:Du halde description de la chine volume 1.djvu/168

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La ville de Tching kiang n’est pas des plus grandes, car elle n’a qu’une lieue de tour, mais c’est une des plus considérables pour le commerce, et comme une clef de l’empire du côté de la mer, dont elle n’est éloignée que de deux petites journées. C’est aussi une place de guerre, et il y a une grosse garnison. Nous vîmes dix-huit pièces de canons de fer qui formaient une batterie à fleur d’eau.

Nous ne traversâmes qu’une rue de ce second fauxbourg, où il se trouve une petite montagne ; quand on est monté au sommet, on a un des plus agréables points de vue qui se puisse imaginer. On voit d’un côté la ville et les faubourgs de Tching kiang ; on voit de l’autre côté ce beau fleuve Yang tse kiang que les Chinois appellent fils de la mer, ou Ta kiang, grand fleuve, ou simplement Kiang par excellence, c’est-à-dire, le Fleuve : en effet il semble de ce lieu-là que c’est une vaste mer ; sur l’autre rive vis-à-vis de Tching kiang paraît une grosse ville nommée Koua tcheou. Du moins il ne lui manque que les privilèges qu’on attache aux villes, car elle ne les a pas, et elle n’est regardée à la Chine que comme un ma teou, ou lieu de commerce. Au pied de cette hauteur est le port, sur lequel il y a continuellement un concours de peuple et un fracas extraordinaire.

Ce fut là que nous nous mîmes sur des barques, que les officiers nous avaient fait préparer : elles étaient petites, mais tout à fait propres, aussi ne devaient-elles servir que pour passer le fleuve, et nous mener à Yang tcheou. Dans le lieu du fleuve où nous fîmes ce trajet, il a plus d’une lieue de large, et cependant il passe pour être étroit en cet endroit là, en comparaison de la largeur qu’il a plus haut et plus bas. Environ à 700 pas dans le fleuve, on passe près d’une île qui paraît un lieu enchanté. Aussi les Chinois la nomment-ils Kin chan, c’est-à-dire montagne d’or. Elle a environ six cents pieds de circuit, et est revêtue de belles pierres. Au sommet est une tour à plusieurs étages environnée de pagodes et de maisons de bonzes.

Au sortir de la rivière nous entrâmes dans un canal, où il nous fallut passer un tcha, c’est une espèce d’écluse, si cependant on peut lui donner ce nom : les Chinois à qui j’ai parlé de nos écluses, n’en ont pas la moindre idée. En cet endroit on a resserré le canal entre deux digues revêtues de pierres de taille, qui vont en s’approchant jusqu’au milieu. L’eau y coule avec beaucoup de rapidité, et apparemment qu’on ne la resserre ainsi que pour la forcer à creuser son lit, sans quoi elle ferait une nappe, et ne pourrait avoir assez de profondeur pour porter des barques : à ce passage il y a toujours des hommes prêts à tirer les barques, et ils doivent être très attentifs à ne les pas laisser aller au gré de l’eau, car elles ne manqueraient pas de se briser, et on ferait infailliblement naufrage.

Nous ne pûmes voir Koua tcheou parce qu’il était nuit, quand nous passâmes par un de ses faubourgs. Le lendemain nous arrivâmes de bonne heure à Yang tcheou fou. C’est une belle ville, d’un grand commerce, et très peuplée. On m’assura qu’elle a deux lieues de circuit, et que dans son enceinte et ses faubourgs elle renferme deux millions d’âmes.

Nous en partîmes en litière le 10 janvier à six heures du soir, et nous