Page:Du halde description de la chine volume 1.djvu/192

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

belles arches de pierre, sur un torrent qui court entre deux bourgades ; aux deux bouts il y a deux arcs de triomphe de bois. A quarante lis est un pont de trois arches, et à soixante lis la ville de Tai ping hien. Elle est petite et n’est pas fort peuplée, mais elle a un assez grand faubourg : un peu avant que d’y arriver, on voit un pont couvert d’un toit qui porte le nom d’arc-en-ciel volant ; c’est un gros treillis de poutres qui est soutenu en l’air par plusieurs arcs-boutants de bois, lesquels portent sur une banquette de pierre pratiquée dans l’épaisseur de deux culées de pierre. Les Chinois en admirent l’artifice, et c’est apparemment pour cela qu’ils lui ont donné ce nom bizarre. Il est long de sept ou huit pas ; c’est l’ouvrage d’un habile charpentier.

A sept lis on trouve encore un pont de pierre ; ensuite la route est sud sud-ouest jusqu’à Kiang tcheou, où j’allai coucher. Cette ville est de 3254 pas, et est située sur la rive droite du Fuen ho. Elle n’a que deux portes, parce qu’une partie est sur une éminence. Depuis Peking jusqu’ici, je me suis servi, autant qu’il m’a été possible, d’une bonne boussole pour marquer la route.

A Pin yang fou je quittai le grand chemin qui mène dans la province de Chen si. Je n’ai point parlé des hôtelleries de cette route, parce qu’elles sont semblables à celles dont j’ai déjà parlé dans la route de Ning po à Peking. Les maisons, destinées à recevoir les mandarins, qu’on nomme cong quan, n’ont rien de remarquable. C’est beaucoup si lorsqu’ils passent, ils y trouvent le nécessaire. Mais ils ont leurs propres domestiques, qui achètent et préparent tout au gré de leur maître.

Ce fut le 5 de mai que je partis de Kiang tcheou pour Nan king. Cette ville est placée, comme je viens de le dire, sur une hauteur. La rivière court en bas dans une belle plaine bien cultivée qui porte du blé. Je la passai sur un pont de bois. Des hommes qu’on trouve là portèrent ma litière sur leurs épaules de l’autre côté de la rivière, au lieu de mulets qu’on avait détachés, peut-être parce que le pont est étroit et faible. Les chrétiens m’attendaient au bord de la rivière, ils y avaient mis une table, et une collation sur la table même, selon la coutume du pays, pour prendre congé de moi. Je goûtai seulement de leur vin pour ne les pas attrister.

Le 6 j’allai dîner à Itchin hien 50 lis route à l’est. Je passai par cinq villages, dont quelques-uns sont entourés de murailles de terre. Dans le dernier on fait de la brique. En sortant je passai par un chemin creux, où plusieurs charrettes qui venaient firent un embarras. Les Chinois ne s’emportent point dans ces rencontres, mais ils s’entr’aident mutuellement et sans bruit à se débarrasser. J’avais toujours les montagnes à droite.

Itchin est de la dépendance de Pin yang fou. Les murailles en sont de terre avec des parapets de brique. Toute la campagne est cultivée, et proche la ville on voit plusieurs sépulcres. On ne vendait point de viande à Itchin, le mandarin de la ville l’avait défendue, afin d’obtenir de la pluie par cette espèce de jeûne. Les Chinois ne mangent alors que