Page:Du halde description de la chine volume 1.djvu/247

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petits toits couverts de tuiles de couleur vertes vernissées. J’en fais ailleurs la description.

Cette tour est sans doute la plus haute, et la plus belle de toutes celles qu’on voit à la Chine, où ces sortes d’ouvrages, nommés Ta, sont si communs, que dans plusieurs provinces, on en voit presque dans toutes les villes, et même dans les gros bourgs.

Ce qui rend encore cette ville célèbre, c’est le soin particulier qu’elle prend de cultiver les sciences et les arts : elle seule fournit plus de docteurs, et de grands mandarins, que plusieurs villes ensemble, les bibliothèques y sont plus nombreuses, les boutiques des libraires beaucoup mieux fournies, l’impression plus belle ; le papier qui s’y débite, est le meilleur de tout l’empire.

On ne peut rien voir de plus naturel, que les fleurs artificielles qu’on y fait de la moelle d’un arbrisseau nommé tong tsao. C’est maintenant une espèce de profession particulière, que de travailler à ces sortes de fleurs. Cet art s’est tellement répandu dans la Chine depuis quelques années, qu’il s’y en fait un très grand commerce.

Les satins de Nan king qu’on nomme en Chinois touan tse, soit qu’ils soient unis, soit qu’ils soient semés de fleurs, sont les meilleurs, et les plus estimés à Peking, ou ceux de Canton sont à bien meilleur prix. On y fait même d’assez bons draps de laine, qu’on nomme du nom de la ville nan king chen. Ceux qu’on voit dans quelques autres villes, ne leur sont pas comparables ; ce n’est presque que du feutre fait sans tissure.

L’encre qu’on appelle encre de Nan king vient toute de Hoei tcheou de la même province ; son ressort est plein de gros villages, presque tous peuplés d’ouvriers qui y travaillent, ou de marchands qui la vendent. Ces bâtons d’encre sont souvent ornés de fleurs ou vertes, ou bleues, ou dorées : ils en font de toutes sortes de figures, en forme de livres, décorées de bambou, de lions, etc.

Nan king était autrefois un port admirable à cause de la largeur et de la profondeur du fleuve Yang tse kiang ; le fameux corsaire qui l’assiégea durant les derniers troubles, y passa aisément. Mais à présent les grandes barques, ou plutôt les sommes chinoises, n’y entrent plus, soit que la barre se soit bouchée d’elle-même, soit que la politique des Chinois les ait portés à n’en plus faire usage, pour en ôter peu à peu la connaissance.

Au mois d’avril et de mai, il se fait dans le fleuve, près de la ville, une grande pêche d’excellents poissons : on en envoie pendant tout ce temps-là à la Cour : on les transporte frais sous la glace, dont on les couvre : il y a des barques uniquement destinées a cet usage. Quoiqu’il y ait plus de deux cents grandes lieues jusqu’à Peking, ces barques font tant de diligence, qu’elles y arrivent en huit ou dix jours : elles marchent jour et nuit, sur toute la route il y a des relais, pour les tirer continuellement. Tant que dure la pêche, deux barques partent deux fois la semaine chargées de ces poissons.

Nan king, quoique capitale de toute la province, n’a sous sa juridiction particulière que huit villes du troisième ordre.