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une ville superbe, pour en faire la capitale de l’empire ; c’est ce qu’il entreprit en l’année 1367.

Après avoir chassé de la Chine les Tartares occidentaux qui s’en étaient emparés, et qui l’avaient gouvernée durant 87 ans, il vint y établir sa cour, et nomma la ville Fong yang, c’est-à-dire, le lieu de la splendeur de l’aigle. Son dessein était de la rendre la plus grande et la plus célèbre de l’empire. Mais l’inégalité de son terrain, la disette d’eau douce, et encore plus la proximité du mausolée de son père, lui firent changer sa résolution. De l’avis unanime de ses principaux officiers, il transféra son trône à Nan king, lieu plus beau et plus commode, qui n’est éloigné de Fong yang que de 32 lieues.

Aussitôt qu’il eut pris son parti, tous les ouvrages cessèrent. Le palais impérial, qui devait avoir une triple enceinte, les murs qui devaient être de neuf lieues de circuit, les canaux qu’on avait projetés, tout cela fut abandonné ; il n’y eut que trois monuments qui furent achevés, et qui subsistent encore. La grandeur et la beauté de ces monuments, donnent à connaître quelle eût été la magnificence de cette ville, si l’empereur eût suivi son premier projet.

Le premier monument qu’on voit encore, est le tombeau du père de Hong vou : il est orné de tout ce que l’industrie chinoise, et la reconnaissance filiale, ont pu inventer de plus beau en ce genre. Il se nomme Hoang lin, ou tombeau royal.

Le second est un donjon bâti au milieu de la ville ; il est de figure carrée oblongue, sa hauteur est de cent pieds distribués en quatre grands étages plantés sur un massif de brique, haut de 40 pieds, long de cent, et large de 60. C’est, dit-on, le plus élevé qui soit à la Chine, aussi l’aperçoit-on de fort loin.

Le troisième est un temple superbe érigé à l’idole Fo : c’était auparavant une petite pagode, où Hong vou ayant perdu ses parents, et se trouvant sans ressource, se retira à l’âge de dix-sept ans, et servit pendant quelques années de valet de cuisine. S’étant ennuyé de cette vie fainéante, il se fit soldat sous un chef de bandits révolté contre les Tartares. Il donna bientôt des preuves de sa valeur, et le chef, dont il s’était acquis l’estime, le choisit pour son gendre : peu après il fut déclaré son successeur par les suffrages unanimes des troupes.

Ce fut alors que se voyant à la tête d’un gros parti, il porta ses vues jusqu’au trône. Sa réputation avait déjà attiré dans son armée un grand nombre de braves gens, à la tête desquels il attaqua brusquement l’armée tartare, la défit entièrement, et s’empara de Nan king, et de plusieurs villes voisines. Il n’en demeura pas là, il ne cessa de poursuivre les Tartares, jusqu’à ce qu’il les eût entièrement chassés de la Chine ; autant de combats qu’il donna, furent autant de victoires, d’où lui est venu le nom de Hong vou, qui signifie, prince d’une valeur qui triomphe de tout.

Aussitôt qu’il fut parvenu à l’empire, plutôt par reconnaissance pour ceux qui l’avaient recueilli dans sa misère, que par sa confiance aux idoles, il fit bâtir en faveur des bonzes, le temple superbe dont je parle. On