Page:Du halde description de la chine volume 1.djvu/291

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« Quand je pense avec humilité à mes ancêtres, je vois qu’ils ont eu un véritable attachement pour leurs souverains, qu’en cela ils ont tâché de reconnaître les bienfaits qu’ils avaient reçus de la dynastie précédente dans un temps auquel ma maison n’en avait reçu aucun de votre glorieuse dynastie. C’est cet attachement à son prince, qui obligea mon aïeul Tching tching cong de sortir de la Chine, et d’aller défricher les terres incultes de l’orient. Mon père Tching king mai était un homme d’étude, qui n’aurait pas osé s’exposer sur le bord d’un précipice ; semblable aux rois à d’Ye lang il était tout occupé à gouverner et à instruire son peuple, se bornant à ce coin de terre au milieu de la mer, sans avoir d’autres vues.

« Jusqu’ici j’ai joui des bienfaits de mes ancêtres ; moi, leur petit-fils, je ne cesse de leur en témoigner ma reconnaissance, en me rappelant continuellement à la mémoire les bienfaits qu’ils ont reçus du Ciel, sans penser à m’agrandir sur la terre. Maintenant que je vois Votre Majesté semblable au Ciel, qui par son étendue et son élévation couvre toutes choses ; et à la terre, qui par sa solidité les soutient, toujours portée à faire du bien, à arrêter les effets de sa justice ; fondement sur lequel Elle gouverne la Chine.

« Maintenant que je vois Votre Majesté, semblable au soleil levant, dont la lumière se répand dans un instant sur toute la terre, dès que cet astre commence à paraître sur l’horizon, et dissipe dans un moment les légers nuages qui se rencontraient sur la surface de la terre, comment oserais-je penser à autre chose qu’à m’appliquer à ma perfection ? C’est ce que moi, homme étranger, je regarde comme l’unique moyen de vivre content.

« Si je pensais à faire passer mes vaisseaux du côté de l’occident (de la Chine) j’avoue que je serais en faute ; mais hélas de ce sang qui était venu en orient (Formose) qu’en reste-t-il ? N’est-ce pas comme une faible rosée qui tombe d’elle-même de grand matin, et qui se dissipe dès que le soleil paraît ? Comment donc oserais-je entreprendre quelque chose contre Votre Majesté ? mon cœur lui est entièrement soumis, il le proteste à Votre Majesté dans ce placet, et Elle en verra l’effet.

« Je connais aujourd’hui que je n’ai pas été dans la bonne voie ; et à l’avenir j’oserai marcher librement dans le parterre de la charité à la suite du Ki ling. Je souhaite avec passion voir le Ciel et la terre ne faire qu’un tout. Le pauvre peuple de l’île ne demande pas de pouvoir s’enivrer, ni se rassasier de viandes. S’il est traité avec douceur, il en sera plus porté à la soumission. La nature du poisson est d’aller dans les endroits où les eaux sont plus profondes, elles ne le sont jamais trop pour eux, et ils peuvent jouir d’une longue vie au milieu des ondes de la mer. Pour serment de tout ce que je représente à Votre Majesté dans ce placet, que le soleil ne m’éclaire point, si ce ne sont là les sentiments de mon cœur.

L’empereur répondit à ce placet, que Tching ke san eût à sortir de Formose, et à venir à Peking, Tching ke san qui craignait d’aller à Peking,