Page:Du halde description de la chine volume 1.djvu/601

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trois jours, comme si elle eût été impératrice. Quand son corps eut été mis sur le bûcher et réduit en cendres, il les ramassa lui-même, et les enferma dans une urne d’argent, fondant en pleurs ; enfin il se livra tout entier aux bonzes, dont il adora les idoles, pour lesquelles il n’avait eu auparavant que du mépris. En peu de jours ce malheureux prince fut réduit à l’extrémité, et l’on désespéra de sa vie. Le père Adam lui avait souvent fait de fortes remontrances, que ce prince regardait comme l’effet de son attachement pour sa personne, mais qui n’en étaient pas moins infructueuses. Il voulut dans ces tristes circonstances faire un dernier effort. Le prince le reçut avec amitié, l’écouta, en lui défendant de se mettre à genoux, lui fit donner du thé, et le congédia.

Après que le Père se fut retiré, il fit approcher quatre seigneurs de sa cour, et en leur présence il se reprocha à lui-même son peu d’attention au gouvernement de son État, son peu de gratitude pour ceux qui l’avaient bien servi, son mépris pour les conseils de sa mère, son avarice, ses dépenses frivoles en de vaines curiosités, son affection pour les eunuques, sa passion désordonnée pour la défunte reine, et la peine qu’il avait causé à son peuple. Ensuite il les déclara tuteurs de son plus jeune fils nommé Cang hi, qui n’avait encore que huit ans. Puis il fit apporter le manteau impérial, il s’en revêtit, et en se ramassant sur son lit en un espèce de peloton : « Voilà que je vous quitte », leur dit-il, et au même moment il expira vers le milieu de la nuit à l’âge de vingt-quatre ans.

Dès le matin tous les bonzes furent chassés du palais, et l’on enferma le corps de l’empereur dans un magnifique cercueil. Le lendemain Cang hi monta sur le trône, où il reçut les hommages de tous les Grands de l’empire.


CANG HI. Second empereur.
A régné soixante ans.


Comme dans le cours de cet ouvrage on parle fort au long du mérite et des rares qualités de cet empereur, un des plus grands que la Chine ait jamais eu, et dont le nom respecté dans tout l’orient, a mérité encore l’attention de l’Europe entière, il ne reste plus qu’à parcourir ici les principaux événements de son règne, selon le temps ou ils sont arrivés.

Tout fut assez tranquille sous le gouvernement des quatre tuteurs. Les premières marques d’autorité qu’ils donnèrent, fut de faire trancher la tête au chef des eunuques, qui avait été l’auteur et la source de tant de malheurs, et de chasser du palais quatre mille eunuques : on n’en réserva que mille pour être employés aux plus vils ministères,