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Les riches en mariant leurs filles, leurs donnent plusieurs familles d’esclaves, à proportion de leurs richesses. Il arrive assez souvent qu’on leur rend la liberté ; il y en a d’autres qu’on laisse à demi libres, à condition qu’ils paieront tous les ans une certaine somme : si quelques-uns d’eux s’enrichissent par leur industrie ou dans le négoce, leur maître ne les dépouille pas de leurs biens, il se contente d’en tirer de gros présents, et les laisse vivre avec honneur, sans néanmoins consentir qu’ils se rachètent.

Ces esclaves sont d’une fidélité à toute épreuve, et d’un attachement inviolable pour leurs maîtres : aussi le maître les traite-t-il comme ses propres enfants, et souvent il leur confie les affaires les plus importantes. Du reste son autorité sur ses esclaves se borne aux choses qui sont de son service ; et si l’on pouvait prouver en justice qu’un maître eût abusé de cette autorité, pour prendre des libertés criminelles avec la femme de son esclave, il serait perdu sans ressource.





Du génie et du caractère de la nation chinoise.


A parler en général les Chinois sont d’un esprit doux, traitable, et humain ; il règne beaucoup d’affabilité dans leur air et dans leurs manières, et l’on n’y voit rien de dur, d’aigre, ni d’emporté.

Cette modération se remarque même parmi les gens du peuple. « Je me trouvai un jour, dit le père de Fontaney, dans un chemin étroit et profond, ou il se fit en peu de temps, un grand embarras de charrettes. Je crus qu’on allait s’emporter, se dire des injures, et peut-être se battre, comme on fait souvent en Europe ; mais je fus fort surpris de voir des gens qui se saluaient, qui se parlaient avec douceur, comme s’ils se fussent connus et aimés depuis longtemps, et qui s’aidaient mutuellement à se débarrasser.

C’est surtout à l’égard des vieillards qu’on doit marquer toute sorte de respect et de déférence. L’empereur en donne lui-même l’exemple à ses peuples. Un petit mandarin du tribunal des Mathématiques âgé de cent ans, se rendit au palais le premier jour de l’année chinoise, pour saluer feu l’empereur Cang hi. Ce prince qui ne voyait personne ce jour là, ordonna néanmoins qu’on le fît entrer dans la salle ; comme ce bon vieillard était assez mal vêtu, chacun s’empressa de lui prêter des habits. On le conduisit dans l’appartement de l’empereur : Sa Majesté qui était assise sur une estrade à la manière tartare, se leva, alla au-devant de lui, et le reçut avec de grands témoignages d’affection. Il voulut se mettre à genoux, mais l’empereur le releva aussitôt, et lui prenant les deux mains avec bonté : « Vénérable vieillard, lui dit-il, je vous admettrai désormais en ma présence, toutes les fois que vous viendrez me saluer, mais je vous avertis pour toujours, que je vous dispense de toutes sortes de cérémonies. Pour moi je me lèverai à votre arrivée, et j’irai au-devant de vous. Ce n’est pas à