vivante, pour représenter le défunt : ceux qui sont venus depuis, ont substitué l’image ou la tablette, pour tenir en quelque sorte sa place, et ils rendent à cette représentation les mêmes devoirs qu’ils rendraient à leurs ancêtres, s’ils étaient en vie ; parce qu’il leur est plus aisé d’avoir cette tablette, que de trouver un enfant, toutes les fois qu’ils veulent témoigner à leurs parents morts, la reconnaissance qu’ils leur doivent de la vie, des biens, et de la bonne éducation qu’ils ont reçue d’eux.
Il est vrai que l’idolâtrie ayant été introduite dans l’empire, les bonzes ou tao ssëe, que des vues intéressées engageaient à tromper le peuple, ont mêlé dans ces cérémonies plusieurs pratiques superstitieuses, telles que sont celles de brûler du papier doré en forme de monnaie, et même des étoffes de soie blanche, comme si ces choses pouvaient leur servir dans l’autre monde ; de prêcher que les âmes se trouvent sur les tablettes où leurs noms sont écrits, et qu’elles se repaissent de la fumée des viandes et des parfums qu’on brûle.
Ces coutumes ridicules sont très éloignées de la véritable doctrine chinoise, et n’ont de force que parmi une troupe ignorante qui suit ces sortes de sectes ; et même quoique ces bonzes aient introduit leurs superstitions particulières, ils ne laissent pas de regarder toujours les anciennes cérémonies, comme autant de marques du respect filial, que les enfants doivent à leurs parents défunts.
Quoique la justice de la Chine nous paraisse lente, par les longues procédures qu’elle observe, pour ne pas priver mal à propos les hommes d’un bien aussi considérable que la vie et l’honneur, elle ne laisse pas de punir sévèrement les criminels, et de proportionner la peine à l’énormité des crimes.
Les affaires criminelles passent le plus souvent par cinq ou six tribunaux avant qu’on en vienne à une sentence décisive : ces tribunaux sont subordonnés les uns aux autres, et ont droit de revoir tous les procès, et de faire des informations exactes sur la vie et les mœurs des accusateurs et des témoins, aussi bien que sur les crimes des personnes qu’ils doivent juger.
Cette lenteur dans les procédures est favorable aux accusés, en ce qu’il est rare que l’innocence soit opprimée, mais aussi elle les fait rester longtemps dans les prisons. Ces prisons n’ont ni l’horreur, ni la saleté des prisons d’Europe, et elles sont beaucoup plus commodes et plus spacieuses ; elles sont bâties de la même sorte presque dans tout l’empire, et situées dans des lieux peu éloignés de leurs tribunaux.