Quand on est entré par la première porte qui donne sur la rue, on marche dans une allée qui conduit à une seconde porte, par où l’on entre dans une basse cour, qu’on traverse pour arriver à une troisième porte, qui est le logement des geôliers. De là on entre dans une grande cour carrée. Aux quatre côtés de cette cour sont les chambres des prisonniers, élevées sur de grosses colonnes de bois, qui forment une espèce de galerie. Aux quatre coins sont des prisons secrètes où l’on renferme les scélérats : il ne leur est pas libre de sortir pendant le jour, ni de s’entretenir dans la cour, comme on le permet quelquefois aux autres prisonniers. Cependant avec de l’argent, ils peuvent obtenir pour quelques heures cet adoucissement, mais on a la précaution de les retenir pendant la nuit arrêtés par de grosses chaînes dont on leur lie les mains, les pieds, et le milieu du corps ; ces chaînes leur pressent les flancs, et les serrent de telle sorte, qu’à peine peuvent-ils se remuer. Quelque argent donné encore à propos, peut être aussi un moyen d’adoucir la sévérité des geôliers, et de rendre leurs fers plus supportables.
Pour ce qui est de ceux dont les fautes ne sont pas considérables, et qui ont la liberté pendant le jour de se promener, et de prendre l’air dans les cours de la prison, on les assemble tous les soirs, on les appelle l’un après l’autre, et on les enferme dans une grande salle obscure ; ou bien dans leurs petites chambres, quand ils en ont loué pour être logés plus commodément.
Une sentinelle veille toute la nuit, pour tenir tous les prisonniers dans un profond silence, et si l’on entendait le moindre bruit, ou si la lampe qui doit être allumée, venait à s’éteindre, on avertirait aussitôt les geôliers pour remédier au désordre.
D’autres sont chargés de faire continuellement la ronde, et il est difficile qu’aucun des prisonniers s’expose à tenter des moyens de s’évader, parce qu’aussitôt il serait découvert, et ne manquerait pas d’être sévèrement puni par le mandarin, qui visite très souvent les prisons, et qui doit être toujours en état d’en rendre compte ; car s’il y a des malades, il en doit répondre ; c’est à lui de faire venir les médecins, de faire fournir les remèdes aux frais de l’empereur, et d’apporter tous ses soins pour rétablir leur santé. On est obligé d’avertir l’empereur de tous ceux qui y meurent, et souvent Sa Majesté ordonne aux mandarins supérieurs, d’examiner si le mandarin de la justice subalterne a fait son devoir.
C’est dans ces temps de visite que ceux qui sont coupables de quelque crime qui mérite la mort, paraissent avec un air triste, un visage hâve et défiguré, la tête penchée, et les pieds chancelants ; ils tâchent par là d’exciter la compassion, mais fort inutilement ; car ce n’est pas seulement pour s’assurer de leurs personnes qu’on les retient en prison, mais en partie pour les mater, et leur faire subir un commencement de la peine qu’ils méritent.
Il y a de grandes prisons comme celles de la Cour souveraine de Peking, où l’on permet aux marchands et aux ouvriers, tels que sont les tailleurs,