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leurs enfants s’occupent dans des cabanes bâties sur le lieu même, à faire bouillir les eaux salées. Elles en remplissent de grands bassins de fer fort profonds qui se posent sur un fourneau de terre, percé de telle sorte, que la flamme se partage également sous les bassins, et s’exhale en fumée par un long tuyau en forme de cheminée à l’extrémité du fourneau.

Quand ces eaux salées ont bouilli quelque temps, elles s’épaississent et se changent peu à peu en un sel très blanc, qu’on remue sans cesse avec une large spatule de fer, jusqu’à ce qu’il soit entièrement sec. Des forêts entières suffiraient à peine, pour entretenir le feu nécessaire au sel, qui se fait pendant toute l’année ; mais comme souvent il n’y a point d’arbres en ces lieux-là, la Providence y a suppléé, en faisant croître tous les ans des forêts de roseaux aux environs de ces salines.


Les épiceries ne croissent point en Chine.

A la vérité, les terres de la Chine ne produisent point d’épiceries, à la réserve d’une espèce de poivre, qui est bien différent de celui des Indes ; mais les Chinois en trouvent chez des nations si voisines de leur empire, et ils ont si peu de peine à se les procurer par le commerce, qu’ils n’en sont pas moins fournis, que si leurs terres étaient capables de les produire.

Quoique la plupart des choses nécessaires à la vie, se trouvent dans tout l’empire, chaque province a quelque chose de plus particulier ou en plus grande abondance, comme on le peut voir dans la description que j’ai faite des provinces de cet empire.


Abondance particulière de la Tartarie.

La Tartarie, quoique pleine de forêts et de sable, n’est pas tout à fait stérile : elle fournit de belles peaux de zibelines, de renards, de tigres qui servent aux fourrures ; beaucoup de racines et de simples très utiles pour la médecine, et une infinité de chevaux pour la remonte des troupes, et des troupeaux de bestiaux en quantité, qui servent à nourrir les parties septentrionales de la Chine.


La Chine est pauvre malgré son abondance.

Nonobstant cette abondance, il est pourtant vrai de dire, ce qui semble un paradoxe, que le plus riche et le plus florissant empire du monde, est dans un sens assez pauvre : la terre, quelque étendue et quelque fertile qu’elle soit, suffit à peine pour nourrir ses habitants : on ose dire qu’il faudrait deux fois autant de terres pour les mettre à leur aise. Dans la seule ville de Canton, où tant d’Européens abordent chaque année, il y a plus d’un million d’âmes, et, dans une grande bourgade qui n’en est éloignée que de trois ou quatre lieues, il y a encore plus de monde qu’à Canton même.

Une misère extrême porte à de terribles excès : ainsi quand on voit à Canton les choses de près, on est moins surpris que les parents exposent plusieurs de leurs enfants, qu’ils donnent leurs filles pour esclaves, et que l’esprit d’intérêt anime un si grand peuple : on s’étonne plutôt qu’il n’arrive quelque chose de plus funeste, et que dans les temps de disette, tant de peuples se voient en danger de périr par la faim, sans avoir recours aux violences, dont on lit tant d’exemples dans les histoires de l’Europe.

Quoique j’aie parlé assez au long des arbres et des animaux qui se trouvent

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