délibérations, il fut conclu que, sous prétexte d’une ambassade, on ferait présent au roi de Lou et aux grands seigneurs de sa cour, d’un grand nombre de jeunes filles d’une beauté extraordinaire, qui avaient été instruites dès leur enfance au chant et à la danse, et qui avaient tous les agréments capables de plaire et de gagner le cœur.
Le stratagème réussit. Le roi de Lou et tous les seigneurs reçurent ce présent avec beaucoup de joie et de reconnaissance : ils ne purent se défendre des charmes de ces étrangères et l’on ne pensa plus qu’à inventer tous les jours de nouvelles fêtes capables de les divertir. Ce n’était que festins, que danses, que comédies. Le prince tout occupé de ses plaisirs, abandonna les affaires de son État, et devint inaccessible à ses plus zélés ministres.
Confucius essaya par ses remontrances de les ramener à la raison et au devoir. Dès qu’il vit que ses efforts étaient inutiles, et que le prince devenait sourd à ses conseils, il prit le dessein de se dépouiller d’un ministère qui ne pouvait être d’aucune utilité au peuple sous un prince si voluptueux : il se démit de sa charge, il quitta la cour, et s’exila de sa terre natale, pour chercher dans d’autres royaumes, des esprits plus propres à goûter et à suivre ses maximes.
Il parcourut inutilement les royaumes de Tsi, de Guei et de Tsou. L’austérité de sa morale le fit redouter des politiques ; et les ministres des princes ne virent pas volontiers un concurrent habile, et capable de les faire bientôt déchoir de leur crédit et de leur autorité. Errant de province en province, il se vit dans le royaume de Ching réduit à la dernière indigence, sans rien perdre de sa grandeur d’âme, et de sa constance ordinaire.
C’était un spectacle assez nouveau de voir un philosophe, qui, après s’être attiré l’admiration publique dans les ministères les plus honorables de l’État, retournait de son plein gré aux fonctions privées d’un sage, uniquement dévoué à l’instruction des peuples, et qui entreprenait pour cela de continuels et de pénibles voyages. Son zèle s’étendait aux personnes de tout état, aux gens de lettres, au peuple ignorant, aux hommes de cour, aux princes. Enfin ses leçons étaient communes à toutes les conditions, et propres de chacune en particulier.
Il avait si souvent à la bouche les maximes et les exemples des héros de l’antiquité, Yao, Chun, Yu, Tching tang, Ven vang, qu’on croyait voir revivre en lui ces grands hommes. C’est pourquoi il n’est pas surprenant qu’il fit un si grand nombre de disciples, qui étaient inviolablement attachés à sa personne. On en compte trois mille, parmi lesquels il y en a eu cinq cents qui ont occupé avec distinction les premières charges dans divers royaumes ; et dans ce nombre, on en compte 72 qui se sont encore plus distingués que les autres par la pratique de la vertu. Son zèle lui inspira même le désir de passer les mers, pour aller répandre sa doctrine dans les climats les plus reculés.
Il partagea ses disciples en quatre classes différentes : la première était de ceux qui devaient cultiver leur esprit par la méditation, et purifier leur cœur par le soin d’acquérir les vertus. Les plus célèbres de cette classe