Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/476

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Parmi ces nouveaux venus, il se trouva quelques sectaires, qui répandaient une opinion dangereuse, et très contraire au bon gouvernement. Ils prétendaient qu’un sage prince devait vivre de son propre travail comme le peuple ; qu’il devait labourer lui-même ses terres, et ne manger que les fruits d’une terre cultivée par ses mains royales. Mencius réfute ces sectaires de la manière suivante.

Mencius s’adressant à Chin siang, qui s’était fait leur disciple : Pourquoi, lui dit-il, les gens de votre secte se bornent-ils à la culture de la terre ? Que ne font-ils les habits dont ils sont revêtus ? Que ne travaillent-ils les hoyaux et les autres outils, dont ils se servent pour le labour, les marmites où ils font cuire leur riz, et toutes les autres choses qui sont nécessaires à leur ménage ? Cela ne vaudrait-il pas mieux que de parcourir les boutiques des marchands et des ouvriers, pour y acheter ces différents ustensiles ?

Cela n’est pas possible, répondit Chin siang : la culture des terres demande un homme tout entier : si les laboureurs entreprenaient de faire eux-mêmes tous les ouvrages que vous venez de détailler, ils négligeraient le soin des campagnes, et les campagnes négligées deviendraient stériles.

Vous parlez sagement, répondit Mencius : mais à votre avis c’est donc peu de chose que de gouverner un royaume ? Ce travail n’est donc pas capable d’occuper tous les moments d’un prince ? Il en a de reste sans doute, pour partager avec son peuple le travail de la terre.

Cette comparaison ferma la bouche à Chin siang et il n’eut rien à répliquer. Mencius lui fait voir qu’il faut nécessairement qu’il y ait dans un royaume divers emplois et différentes professions ; qu’un seul homme ne peut pas vaquer à tout ; que l’empereur Yao partageait avec ses ministres les soins du gouvernement, qu’avec leur secours le peuple était soulagé et instruit ; et que c’est là ce qu’on appelle dans un prince la piété universelle, qui s’étend généralement à tous ses sujets.

Il combat encore les mêmes sectaires, qui voulaient établir l’égalité dans le prix des différentes marchandises ; en sorte qu’une étoffe grossière fût vendue au même prix que l’étoffe la plus précieuse.

Enfin il conclut ce chapitre, en réfutant la doctrine d’une autre secte, qui prétendait qu’on devait aimer également tous les hommes sans distinction de parents et d’étrangers ; et il montre le ridicule et l’absurdité de cette opinion. Puis il fait voir que la coutume établie de tout temps de procurer à ses parents une sépulture plus honorable qu’aux autres tire son origine du plus grand amour que la nature inspire aux enfants.


SIXIÈME CHAPITRE.


Mencius instruit Chin tai son disciple, et lui apprend la manière, dont se doit comporter un sage, qui fait profession d’enseigner l’art de bien vivre et de bien gouverner. Il lui dit entr’autres choses, qu’il doit