Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/531

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à redire. C’était pour faciliter les remontrances, et se procurer de bons avis. Aujourd’hui parmi nos lois, j’en trouve une qui fait un crime de parler mal du gouvernement. C’est le moyen non seulement de nous priver des lumières que nous pouvons recevoir des sages qui sont éloignés ; mais encore de fermer la bouche aux officiers de notre cour. Comment donc désormais le prince sera-t-il instruit de ses fautes et de ses défauts ? Cette loi est encore sujette à un autre inconvénient. Sous prétexte que les peuples ont fait des protestations publiques et solennelles de fidélité, de soumission, et de respect à l’égard du prince ; si quelqu’un paraît se démentir en la moindre chose, on l’accuse de rébellion. Les discours les plus indifférents passent chez les magistrats, quand il leur plaît, pour des murmures séditieux contre le gouvernement. Ainsi le peuple simple et sans lumière se trouve sans y penser, atteint d’un crime capital. Non, je ne le puis souffrir ; que cette loi soit abrogée.

Sur cette déclaration, l’empereur Cang hi dit : Tsin chi hoan avait fait bien des lois semblables. Kao tsou le fondateur de la dynastie Han en abrogea quantité. Celle dont il s’agit ici, ne fut abrogée que sous Ven ti[1] : c’est avoir trop attendu.





Autre déclaration du même empereur Ven ti, portant ordre de délibérer sur l’abrogation d’une autre loi suivant laquelle les parents des criminels étaient enveloppés dans leur crime.


Les lois étant les règles du gouvernement, elles doivent être parfaitement droites. Leur fin est non seulement de réprimer le vice, mais aussi de protéger l’innocence. Maintenant parmi nos lois, j’en trouve une, suivant laquelle, quand un homme est criminel, son père, sa mère, sa femme et ses enfants sont enveloppés dans son malheur ; et le moins qu’ils aient à craindre, c’est d’être réduit à l’état d’esclaves. Cette loi n’est point de mon goût. On le dit, et il est vrai, quand les lois sont tout à fait droites et parfaitement équitables, c’est alors qu’elles retiennent mieux les peuples dans le devoir. Quand on ne punit que ceux qui le méritent, tout le monde approuve le châtiment. Le principal devoir d’un magistrat est de conduire le peuple comme un bon pasteur, et de prévenir ses égarements. Si nos magistrats n’y réussissent point, et ont encore à juger selon des lois qui ne seraient pas de la plus exacte équité, dès lors les lois établies pour le bien des peuples tournent à leur perte, et tiennent de la cruauté. Telle me paraît être la loi en question : je n’en vois point les avantages. Qu’on délibère mûrement, s’il ne convient pas de l’abroger.

  1. Il n'y a eu entre les deux qu'un règne assez court.