Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/698

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respectez les Kouei chin, mais ne les approchez point. On a vu dans l’antiquité un tchu heou se trouvant obligé de faire hors de ses États une cérémonie funèbre, en craindre de fâcheuses suites ; et pour se rassurer contre ce mauvais augure, faire venir un de ces Ou, qui, en employant le pêcher, l’herbe Lie, et certaines formules, détournent les infortunes.

Aujourd’hui V. M. sans prendre aucune précaution, et sans la moindre nécessité, approche d’un ossement sale et infect, et s’arrête à le regarder. Tous vos officiers cependant se taisent et vous laissent faire. Les Yu sseë même, qui par leur emploi sont plus obligés de parler, ne vous font pas sur cela un seul mot de remontrance. Véritablement j’en rougis de honte. Remettez, je vous en conjure, remettez cet os à vos officiers de justice ; qu’ils le jettent au fond des eaux, ou qu’ils le brûlent. Coupez ainsi la racine du mal. Faites cesser dans votre empire les doutes et les soupçons que vous y avez fait naître. Prévenez la postérité contre ces erreurs et vérifiez par votre exemple, que les sages du premier ordre dans les résolutions qu’ils prennent, et dans leur exécution, passent de beaucoup le commun des hommes. O que cela serait beau et gracieux pour vous ! O quelle joie ce serait pour moi et pour ce qu’il y a de gens vraiment zélés ! N’en craignez point de fâcheuses suites. Je les prends toutes sur moi. Si Foë peut réellement quelque chose, qu’il décharge sur moi toute sa colère. Chang tien, qui nous voit de près, est témoin que mes sentiments répondent à mes paroles, et que je suis incapable de m’en dédire. Heureux si Votre Majesté voulait bien se rendre à ma très instante prière : je ne saurais alors lui témoigner assez de reconnaissance.

Hien tsong ayant lu cet écrit, entra en grosse colère. Il voulait faire mourir Han yu. Tsoui kiun, Fei tou, et quelques autres apaisèrent enfin l’empereur. Il se contenta d’éloigner Han yu. On lui donna dans les provinces un emploi beaucoup au-dessous de celui qu’il avait à la cour.


Sur ce discours de Han yu, l’empereur Cang hi, dit : les expressions en sont fermes et pleines de droiture ; le fond en est raisonnable et sensé. Il devrait suffire pour faire revenir des erreurs vulgaires, comme il a suffi pour faire estimer son auteur, le premier homme entre les lettrés de sa dynastie.

Je laisse aux lecteurs à juger et du discours de Han yu, et de ce qu’en dit l’empereur : on connaîtra par là comment les Chinois s’y prennent, quand il s’agit de réfuter des religions étrangères.