Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/732

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si en les élargissant, il ne dit point en lui-même : la grâce que je leur fais, leur fera assez comprendre que s’ils reviennent ils auront leur grâce, ainsi ils reviendront infailliblement. Qui sait, dis-je, si Tai tsong ne raisonna point de la sorte, et si ce ne fut point ce qui le porta à les élargir ? Qui sait si d’un autre côté ces criminels ne comptèrent pas en effet qu’ils seraient absous, et si ce ne fut point uniquement sur cette espérance, qu’ils eurent le courage de revenir ? Pour moi, en examinant ce fait, je crois y voir de part et d’autre, de l’intérêt, de l’artifice, et de la vanité. A l’égard de ce qu’on appelle bonté, bonne foi, générosité, vertu je n’y en vois point. Tai tsong était depuis six ans sur le trône. Tout l’empire avait pendant ces six ans senti mille effets réels de ses bontés. Ces trois cents hommes y avaient eu part comme les autres : ils n’en étaient pas devenus meilleurs : ils s’étaient rendus malgré cela coupables de mort. Dire qu’un élargissement pour quelques mois les ait changés tout à coup, jusqu’à leur faire regarder la mort comme un heureux retour à leur patrie, jusqu’à leur faire négliger leur vie en comparaison de la bonne foi et de la justice : c’est, ce me semble, dire une chose incroyable. Quelle preuve voudriez-vous donc, dira quelqu’un, pour vous persuader qu’un tel retour eût en effet ces motifs ? Je réponds. Si Tai tsong voyant ces criminels de retour, leur avait fait subir à tous le supplice qu’ils méritaient ; si ensuite il en avait ainsi élargi d’autres pour un temps, et que ces autres fussent venus comme les premiers, se représenter au temps fixé, j’attribuerais le retour des seconds à leur droiture et à leur reconnaissance. Mais si l’on s’avisait de le faire souvent, ce serait autoriser l’homicide. Jamais nos anciens rois n’en usèrent ainsi : leurs lois et leurs arrêts avaient pour fondement la nature et la connaissance du cœur humain. On ne les vit jamais s’éloigner de ces principes, ni chercher par des tentatives équivoques à s’attirer de vains éloges.


Ngeou yang heou a écrit non seulement l’histoire de Tang, mais encore celle des cinq dynasties, dont chacune dura très peu, qui toutes ensemble ne remplirent que quelques dizaines d’années entre les Tang et les Song. A l’occasion d’un de ces princes, qui de seigneur de Chou[1], se fit empereur, et périt aussitôt, Ngeou yang heou fait voir la vanité de ce que le vulgaire appelle heureux augures. Voici son discours,
  1. C’est aujourd’hui la province de Se tchuen