Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/733

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
qui est inséré dans le recueil impérial dont on tire ces pièces.


Hélas ! Depuis les Tsin et les Han, rien n’est plus commun que cette opinion, ou du moins que ce langage, de bons et de favorables augures ! Quoiqu’il n’ait pas manqué de gens éclairés, qui ont très bien écrit contre cet abus, il subsiste encore. Ce qu’on appelle communément les bons augures pour les princes, ce sont les Long, les Ki ling, les Fong hoang, les Kouei, et ce qu’on nomme Tsou yu. Or je trouve dans les mémoires historiques de Chou, que ces prétendus bons augures ne furent jamais si communs, que quand un prince de ce pays-là se fit empereur. Cependant tout le monde sait qu’à peine fut-il sur le trône, qu’il en tomba, et périt assez misérablement. Si quelqu’un dit que ces augures ne tombaient pas sur ce prince, je demanderai sur qui tombaient-ils donc ? Car outre qu’il est certain qu’ils parurent de son temps, on ne peut les faire tomber ni sur aucun autre en particulier, ni en général sur tout l’empire, où l’on n’a peut-être jamais vu tant de désordres et de plus grands troubles. Qu’est-ce que long[1]? C’est un animal qui est comme invisible, tant il paraît rarement, et qui, pour cela même, a passé pour avoir quelque chose de mystérieux. Il aime, dit-on, à monter sur les nues, et à s’élever ainsi jusqu’au Ciel. C’est alors qu’il est content. Quand donc il se montre jusqu’à se prodiguer, pour ainsi dire, il perd ce qu’il avait de mystérieux : et quand on le voit ici bas dans les lacs et dans les rivières, il y est hors de son centre, et par conséquent peu content. Comment donc en tirer un bon augure ? De plus, ce n’est pas toujours un seul qui paraît, quelquefois on en voit des troupes. Pour moi, au lieu d’en tirer un bon augure, je regarderais plutôt cela comme un monstre. Le Fong hoang[2] est un oiseau qui fuit les hommes, et s’en éloigne autant qu’il peut. Anciennement, sous l’heureux et florissant règne de Chun, Hoan eut ordre de présider à la musique : il la rendit si parfaite et si harmonieuse, que les oiseaux mêmes et les autres animaux charmés de sa douceur, sautaient et dansaient en l’entendant. Il arriva que dans ces circonstances, le fong hoang parut aussi. Dans la suite, on a vainement conclu que l’apparition du fong hoang était l’effet de la vertu du prince, et le présage d’un règne heureux ? On l’a vainement conclu. Car combien de fois depuis, a-t-on vu le fong hoang paraître sous des princes sans mérite, sous des règnes sans éclat ; disons plus, dans des temps de trouble et d’horreur. Je dis du ki ling[3] animal à quatre pieds, ce que j’ai dit de l’oiseau fong hoang : il fuit l’homme autant qu’il peut. Autrefois Ngai kong prince de Lou étant à la chasse, en trouva un. L’animal lui tourna le

  1. Les Européens ont traduit ce mot par dragon, je n’ai encore trouvé personne qui ait osé me dire avoir vu un Long, un Fang, un Li pang ou un Ki ling.
  2. Les Européens avant moi ont traduit ces deux lettres par le mot aigle.
  3. Quelques Européens ont traduit ces deux lettres par le mot licorne.