Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/748

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des princes, il a fini exprès son livre par le désastre de Ngai kong, sous qui cependant avait paru la licorne[1]. Yu tsing rapporte ensuite certains endroits de l’histoire de Han, et déplore l’aveuglement de quelques princes en ce genre. Enfin un des empereurs de la dynastie Han se déclara contre ces augures, et blâma publiquement les officiers des provinces, qui en tiraient d’heureux présages. Comme ce talent avait recommencé sous quelques princes de la dynastie Song, Yu tsing exhorte son prince à l’abolir et à fonder le bonheur de son règne sur la vertu, et sur l’amour de ses peuples.


La septième des années nommées Hi ning, Tchin kié ayant eu une commission dans les provinces, et ayant été témoin oculaire de l’extrême misère des peuples, dépeignit dans une carte ce qu’il avait vu, pour le présenter à l’empereur. Ouang ngan ché alors premier ministre, n’ignorait pas qu’on attribuait la misère des peuples à un nouveau règlement dont il était auteur. Pour cela il arrêtait, autant qu’il pouvait, les avis qu’on donnait à la cour. Tching kié usa de stratagème et fit passer sa carte à l’empereur avec le discours qui suit.


Prince, j’ai vu de mes yeux le dégât que firent l’été dernier les sauterelles. L’automne et l’hiver ont été d’une grande sécheresse. Nous voici à la fin du printemps : il n’est pas encore tombé la moindre pluie. La grande sécheresse a perdu les blés. Elle a empêché de semer les petits grains, même les pois. Le prix du riz est exorbitant, et il augmente tous les jours. Tout le monde est dans la tristesse et dans l’alarme. Sur dix de vos sujets, il y en a neuf qui craignent avec raison de mourir bientôt de misère. Aussi sans égard aux défenses portées par les édits, on a coupé ce printemps les arbres naissants ; on a pêché dans toutes les rivières et dans tous les lacs ; chacun cherchant où il peut et comme il peut, de quoi payer vos officiers qui le pressent, et de quoi acheter un chin[2] de riz. Ainsi les arbres sont ruinés dans la campagne. Le poisson qu’on empêche de

  1. La licorne ou le ki ling, car il est du moins douteux que ce soit la licorne qu’on entend par ce mot.
  2. Nom de mesure. Elle suffit par jour pour un homme qui n’a pas de rude travail.